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La ferme-usine des Mille vaches aggrave la crise dramatique de l’élevage laitier
Article mis en ligne le 25 juin 2016
dernière modification le 22 juin 2016

Mardi 21 juin, des paysans français et belges ont mené une action sur le lait de la ferme-usine des Mille vaches. Celui-ci est en effet exporté en Belgique, à un prix ridiculement bas. Cette action rappelle la gravité de la crise du lait : depuis la fin des quotas laitiers, une course effrénée à la production est lancée. Un producteur de lait européen sur cinq est menacé de disparition. Reportage.

(...) « Le lait en trop, qui provoque la crise, n’est pas dans nos petites fermes, il est dans les fermes-usines comme celle des Mille Vaches », explique Stéphanie Delhaye, éleveuse belge membre du Mouvement d’action paysanne (Map). « Les petits producteurs galèrent, et plutôt que de les aider, Milcobel va chercher du lait à moindre coût à la ferme des Mille vaches », enchérit Philippe Duvivier, du Fugéa, un autre syndicat belge.

Eh oui : la ferme-usine livre désormais ses litres de lait aux coopératives belges. Une manière de contourner la pression citoyenne et paysanne. (...)

même si elle a disparu de l’agenda médiatique, la crise du lait s’installe partout en Europe. En Belgique, le litre de lait se vend à un peu plus de 20 centimes, bien en deçà des 35 centimes, « le minimum nécessaire pour s’en sortir », estime Philippe Duvivier. « Depuis deux ans, c’est très difficile, et cela ne va pas en s’améliorant », confirme au téléphone Thierry Roquefeuil, éleveur dans le Lot et président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Les premiers touchés sont les plus endettés. En Bretagne, le Crédit agricole commencerait d’ailleurs à supprimer les autorisations de découvert. Du côté de l’Institut de l’élevage, Gérard You, joint au téléphone, veut croire à une possible sortie de crise avant la fin de l’année, mais reste très prudent : « Pour le moment, on est encore au fond du trou. » (...)

À l’origine de ce marasme, la surproduction d’or blanc partout en Europe, suite à la fin des quotas laitiers en avril 2015. « Tout le monde s’est mis à produire plus, afin de prendre des parts de marché, pour ne pas se faire manger par les autres », explique Gérard You. Résultat : les entrepôts européens débordent de poudre de lait, et les producteurs, poussés par les coopératives agricoles et les gouvernants, se sont lancés dans une course à l’agrandissement. L’Irlande a ainsi augmenté sa collecte de lait de 20 % en un an ! « On vit une concurrence exacerbée entre éleveurs, et ceux qui survivront sont ceux qui peuvent produire du lait à moindre coût, constate, amer, Thierry Roquefeuil. Ce qui se profile, c’est une guerre du lait. »

Une guerre qui pourrait bien signer l’arrêt de mort des paysans. L’Irlande a ainsi perdu 43% de sa population agricole depuis 2010. (...)

Le conseil européen des ministres de l’Agriculture doit se réunir à la fin du mois de juin afin de valider un système d’aides pour inciter les éleveurs à produire moins. « C’est un trompe-l’œil, estime Laurent Pinatel. La seule sortie de crise passe par une réduction obligatoire de la production. » Et donc, par la fin des fermes-usines. (...)