
Le parc de loisirs le Puy du Fou, fondé en Vendée par la famille de Villiers, grignote toujours plus les terres agricoles environnantes. Résultat : seulement trois paysans vivent encore sur les terres historiques de leurs familles. Et un seul ne travaille pas avec le parc.
Duel de mousquetaires, cascades équestres, ballet de rapaces… Aller au Puy du Fou, c’est assister à un époustouflant — et populaire — voyage au Moyen-Âge. Chaque année, le parc et son célèbre spectacle nocturne, La Cinéscénie, drainent plus de 2 millions de visiteurs. En 2019, le chiffre d’affaires de l’entreprise s’élevait à 109 millions d’euros. Le tout est rondement mené par Philippe de Villiers, le souverainiste d’extrême droite fondateur du parc, en 1978, et son fils Nicolas, actuel président.
Mais dans les coulisses de cet univers onirique se joue une redoutable partie d’échecs. « Petit à petit, le parc à thème grignote les terres agricoles environnantes pour s’éviter tout problème de voisinage et s’assurer d’une réserve foncière », résume Marie Coq, rédactrice en cheffe de Sans-culotte 85. Ce journal local vendéen satirique a publié une enquête sur le sujet dans son numéro d’avril. Le Puy du Fou achèterait à prix d’or des parcelles dont il n’a pas l’usage immédiat. Il les laisserait ensuite, à titre gracieux, à disposition d’agriculteurs, puis en reprendrait possession le jour venu de s’agrandir. Ainsi, sur la vingtaine de sièges d’exploitation présents il y a trois décennies, seulement trois demeurent encore en place aujourd’hui. La hiérarchie est respectée : le roi dévore les pions.
Certains agriculteurs ont fini par accepter ces avances. (...)
Une multitude de parkings quadrillent la zone. Autour des ruines du vieux château s’érigent six hôtels, un grand nombre de restaurants, un Colisée, un théâtre, une cité médiévale, un immense carillon, d’effrayants drakkars vikings… et la liste est encore longue. (...)
L’ensemble de ces structures s’étend aujourd’hui sur plus de 130 hectares. Ce n’est qu’un début. Le plan local d’urbanisme (PLU) des Épesses, le village qui abrite le parc, fait mention d’un vaste secteur de 251 hectares constructibles uniquement par le Puy du Fou (...)
Aujourd’hui, il ne s’agit que de champs où pâturent les troupeaux des fermiers que le fils, Nicolas de Villiers, accueille en bon prince. Mais le patron du site projette déjà d’y bâtir un nouveau parc, relié à l’actuel par un tunnel. Le ventre plein mais non rassasié, cette zone AUpf continue de gagner du terrain (...)
dans les prochaines années, le Puy du Fou pourrait être libre d’urbaniser 341 hectares de terres agricoles. (...)
La lutte du dernier des Mohicans
« Non ! Plutôt mourir. » Alexandre Bridonneau aura beau être le dernier des Mohicans, il ne partira pas. Âgé de 27 ans, il élève en bio une trentaine de vaches laitières à moins de 500 mètres du parc. Il fait partie des trois derniers paysans à vivre encore sur les terres historiques de leurs familles dans le petit périmètre du Puy du Fou : les deux autres, neveu et oncle, disent, eux, « travailler main dans la main avec le Puy du Fou ». Au bout d’un petit chemin de terre, se trouvent son exploitation et la maison où vit sa famille depuis six générations. Une partie de l’une des parcelles exploitées par la famille est notamment source de convoitises : Nicolas de Villiers envisagerait d’y construire une gare ferroviaire pour faciliter l’accès au parc. L’éleveur a décidé de résister, mais la cohabitation est chaotique. (...)
Une fois clos l’œil enchanté d’un enfant venu découvrir la magie de La Cinéscénie, se dévoile ainsi une image moins flatteuse du Puy du Fou. Celle d’une machine à déraciner l’agriculture paysanne. Celle aussi de l’écoblanchiment (greenwashing) d’une mondialisation peinte en vert. (...)
En décembre 2020, par exemple, d’anciens employés du parc dénonçaient des maltraitances animales dans l’émission « Sur Le Front » diffusée sur France Télévisions. La plupart de ces accusations avaient été niées par Nicolas de Villiers. (...)