
Vincent Liegey, objecteur de croissance, vit entre la Hongrie et la France depuis une dizaine d’années. Il est actuellement à Budapest avec sa femme, Rebeka Szabó, députée verte au parlement hongrois. Cet escargot expatrié se réjouit de voir que le mot « décroissance » vient tout juste d’être traduit dans son pays d’adoption. Pour les polyglottes, cela donne « nemnövekedés ». Si comme partout ailleurs, le mot fait débat, l’action semble joyeusement emboiter le pas à la critique radicale. (...)
Comme on peut le voir en Europe de l’Ouest, la prise de conscience à propos de l’insoutenabilité de la société de croissance et de son absurdité s’accélère en Hongrie aussi. (...)
A Igrici, village du nord-est du pays, région la plus pauvre, a été lancé un projet de coopérative avec la population Rom. Face à un chômage important, ces populations aidées par des associations ont décidé d’emprunter de l’argent pour acheter des terres et faire pousser des légumes. Ce projet social ne s’est pas fait sans difficultés mais rencontre un certain succès. (...)
Aujourd’hui, la Hongrie connait une crise économique et sociale avec à la fois des régions entières qui font face à des risques de famine, et en parallèle une montée de l’extrême droite qui envoie sa milice défiler dans les villages et menace les populations Roms.
Par ailleurs, la Hongrie interdit l’exploitation d’OGM malgré les pressions de la commission européenne. Elle bénéficie d’un moratoire revalidé par l’Union Européenne qui interdit aux investisseurs étrangers d’acheter des terres. Le prix du foncier reste donc très bon marché et les cultures sont protégées d’un développement destructeur pour les liens sociaux mais aussi pour l’environnement.
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plusieurs rencontres sont prévues avec, par exemple, un colloque sur les circuits courts qui s’organise et qui pourrait être l’occasion de vraiment initier des politiques de transition vers une souveraineté alimentaire afin d’éviter le pire. Le temps n’est plus à la prise de conscience de l’absurdité de la société de croissance, mais à la mise en place d’une transition démocratique vers des sociétés de décroissance à la fois soutenables et souhaitables. La critique, bien que toujours nécessaire, n’est dorénavant plus suffisante. La Hongrie pourrait ainsi être un laboratoire du meilleur avec une transition vers des sociétés de décroissance, avec par exemple l’application du projet proposé ou du pire, avec l’exacerbation des tensions inter-ethniques sur fond de crises.
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