
– Le ministre de l’Education nationale a souhaité rouvrir les écoles cette semaine pour remettre les élèves des zones défavorisées sur le chemin de l’école.
– Dans les quartiers Nord toutefois, cette demande est restée vaine, et une minorité est en classe.
– Les parents d’élèves sont tétanisés par les risques sanitaires.
Quatre arrondissements, dans le nord de Marseille, dont la population équivaut à celle de la ville de Bordeaux. Près de 30.000 élèves qui fréquentent des écoles en zone d’éducation prioritaire. Et à peine 909 écoliers qui ont retrouvé ce mardi leurs salles de classe, selon des données fournies à 20 Minutes par les élues de ces secteurs. Dans les quartiers Nord de Marseille, alors que le déconfinement débute, les écoles sont désespérément vides. Le retour physique des élèves de ces zones défavorisées en classe était pourtant l’un des arguments clés du ministre de l’Education nationale, qui affirmait, lundi encore, espérer par ce biais, « faire revenir ceux qui (se) sont les plus éloignés de l’école » pendant le confinement.
Mais sur le terrain, le pari semble perdu. (...)
« Des gens sont morts dans le quartier »
« Dans mon école, on a entre 5 et 10 % de l’effectif qui était invité à retourner en classe, déplore Sébastien Fournier, enseignant dans le quartier défavorisé de la Busserine, dans le 14e arrondissement, et responsable local du syndicat d’enseignants SNUipp-FSU 13 dans les 13 et 14e arrondissements. Dans les écoles autour, on est entre 5 et 15 % de la population scolaire concerné. Il y a un vrai problème de confiance sur la situation sanitaire générale. Vous savez, l’épidémie a circulé dans le quartier. Des gens sont morts. Ça crée des inquiétudes légitimes. » « Ce sont dans ces quartiers où il y a aussi beaucoup de personnes à risques, rappelle Samia Ghali. C’est là qu’on trouve des diabétiques, de l’obésité, des problèmes cardiorespiratoires… » (...)
« Dans l’école, on a eu huit inscriptions mardi, et deux seulement sont venus, explique cette maman. J’ai eu peur, moi. Peur que mon fils soit contaminé ou qu’il ramène le virus à la maison. On a quand même un bébé de deux ans. En plus, à l’école, ils ne peuvent pas jouer ensemble. Je trouve que c’est un peu la prison… »
« Le programme est loin d’être bouclé »
Cette maman a toutefois conscience des conséquences d’une telle situation sur la scolarité de son fils. « Beaucoup d’enfants de l’école n’ont même pas suivi les devoirs transmis par les professeurs, soupire Amel. Ils se retrouvent sans rien, lâchés dans la nature. Je suis catastrophée, c’est dramatique. Je crains pour l’année prochaine que le niveau scolaire, déjà très bas dans nos quartiers, le soit encore plus. Ils vont avoir énormément de retard. Le programme est loin d’être bouclé. » C’est pour ça qu’ Amel a décidé de faire appel à un professeur particulier pour son jeune fils, qui bénéficie d’un soutien scolaire en plus de l’école à la maison. Un luxe que ne peut s’offrir la majorité des familles du quartier, déjà plongée dans une grande misère en raison du confinement. (...)
« Là où les élèves sont les moins nombreux dans les classes, c’est dans les zones d’éducation prioritaire comme les quartiers Nord, là où ils ont le plus besoin de l’école », s’alarme Virginie Akliouat, secrétaire départementale du syndicat d’enseignants SNUipp-FSU 13. « Ces chiffres sont très inquiétants, même si, en tant que maire, je comprends l’inquiétude des parents », soupire Sandrine d’Angio. « Je crains qu’on en perde beaucoup sur le chemin, et je lance un appel au gouvernement, affirme Samia Ghali. Il faut fournir à ces élèves les bons outils, une bonne connexion Internet, un ordinateur. Le problème, c’est qu’il y a des technocrates qui prennent des décisions dans des bureaux. Mais on ne vit pas dans le monde des Bisounours. » (...)