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La batucada des migrants fait guincher les grincheux
CQFD n°141 (mars 2016)
Article mis en ligne le 3 avril 2018

Et si l’hospitalité et l’ancrage passaient aussi par le groove d’un samba-reggae bien senti ? À rebours des fatalismes de bon ton, les Marseillais de la batucada Metêketú viennent faire mentir les vérités toutes faites, n’en déplaise à la flicaille embusquée et aux craintifs renfrognés. Musique, ritmistas !

(...) l’exercice est un peu particulier : pour la première fois, ce ne sera pas tout à fait Mulêketú qui assurera le show mais plutôt Metêketú – « le métèque qui est en toi » –, une formation composée de membres de Mulêketú et de migrants essentiellement Soudanais installés à Marseille.

Concentrée et attentive, Laura tâche de répondre aux dernières sollicitations des uns et des autres avant d’attaquer. Membre régulière de Mulêketú, c’est elle qui a tricoté cette formation inédite au cours des deux derniers mois, comme l’aboutissement évident d’un fil personnel et collectif. « Il y a eu plusieurs choses en même temps. D’abord un gros sentiment de révolte par rapport au traitement médiatique et politique de la question migratoire, qui m’a poussée à me rapprocher à l’automne du collectif Soutien Migrants 13. Et puis début octobre, j’ai vu à Aubervilliers la pièce “81 rue Victor-Hugo (pièce d’actualité)”, montée et interprétée par des immigrés, avec une équipe de professionnels du théâtre. » La démarche lui parle : au-delà de la victimisation ou d’une posture passive, cette anthropologue de profession y voit l’occasion de créer quelque chose de collectif avec des hommes en transit permanent, déjà revenus de Calais sans avoir réussi à passer en Angleterre, et dont les journées passées à dormir racontaient la déprime du déracinement. « Un des sens de cet atelier, c’était de faire une proposition d’hospitalité, ici. »

L’événement déclencheur sera une manifestation partie du centre-ville et en direction du centre de rétention administrative du Canet, le 21 novembre. Mulêketú propose d’accompagner le cortège. La rencontre est immédiate, et pas que du côté des migrants. (...)

Début janvier 2016, Mulêketú lance une cagnotte en ligne pour financer l’achat d’un minimum de matériel et la location du studio. L’atelier se compose désormais d’une dizaine de participants fixes et très assidus, auxquels se joignent une autre dizaine de membres « flottants » au gré des répétitions. L’occasion d’une première représentation publique tombe sans trop de concertation : le 20 février, à l’occasion du départ du bateau Aquarius de l’association « SOS Méditerranée », Metêketú est invité à se produire plusieurs fois dans la journée. (...)

Ce sera une après-midi marathon, conclue avec émotion par un poème écrit et lu par El Manba [2], ritmista Soudanais de 33 ans. Extrait : « Poussé par mon espoir et mes rêves, / J’ai en tête l’image d’un nouveau pays. / Et puis, j’arrive dans une nouvelle patrie que je fais mienne. / Je suis enlacé dans les bras d’un frère que je ne connais pas, / Enlacé dans les bras d’une sœur que je ne connais pas, / Comme un berceau chaleureux que je reconnais, un berceau sincère et maternel. » (...)