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Mediapart
La SNCF retarde une expertise sur les risques d’accidents sur ses chantiers
#SNCF #lyon-turin #accidentsdutravail #sous-traitance
Article mis en ligne le 25 juillet 2023
dernière modification le 24 juillet 2023

À la suite de plusieurs accidents graves, dont un mortel, en 2021 et 2022, les représentants du personnel de SNCF Réseau ont demandé une expertise sur les « risques professionnels » liés au titanesque chantier du Charles-de-Gaulle Express. L’entreprise a multiplié les procédures judiciaires, repoussant la mise en œuvre de l’étude.

Le 19 juillet, un homme travaillant pour un sous-traitant de la SNCF est mort sur l’énorme chantier ferroviaire du Lyon-Turin, à Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie). Un dramatique accident du travail comme il en arrive en moyenne deux par jour en France, et qui rappelle la dangerosité des chantiers ferroviaires.

Mais la direction de SNCF Réseau, qui gère les infrastructures ferroviaires en France, ne semble pas très pressée de voir évaluer cette dangerosité en Île-de-France. Grâce à deux procédures judiciaires, elle a réussi à retarder de près d’un an et demi la réalisation d’une expertise sur les risques professionnels, demandée par le comité social et économique (CSE) de sa direction générale Île-de-France.

En avril 2022, les représentant·es du personnel ont voté la réalisation d’une expertise indépendante, menée par le cabinet Apteis, sur le chantier de la ligne Charles-de-Gaulle Express, prévue pour relier directement la gare de l’Est à l’aéroport francilien en 2027. Ce vote faisait suite à quatre accidents graves sur le chantier, dont un mortel en juin 2021, et visait à mieux appréhender les risques et à proposer une politique de prévention efficace. (...)

La direction de SNCF Réseau a tout d’abord contesté le principe même de l’expertise. Après l’échec d’une médiation, une audience a eu lieu le 25 octobre 2022 devant le tribunal judiciaire de Paris, et le jugement a été rendu le 29 novembre, donnant tort à l’entreprise.

Cette dernière avait assuré que l’expertise ne se justifiait pas, car il n’existerait pas de lien entre les différents accidents, que des mesures de prévention des risques auraient été prises, que « le risque zéro n’existerait pas », mais surtout que les salariés victimes ne seraient pas employés par la SNCF, mais par des sous-traitants.

Autant d’arguments balayés par le tribunal, qui a rappelé la responsabilité de SNCF Réseau, maître d’ouvrage et maître d’œuvre du chantier, tenue ainsi d’assurer la santé et la sécurité des salarié·es qui y travaillent, quand bien même elle n’est pas leur employeur direct. La justice a, en outre, rappelé la survenue de quatre autres accidents graves depuis le vote de l’expertise. Voilà qui « renforce le caractère toujours actuel du risque ».

Mais SNCF Réseau a lancé une deuxième contestation devant la justice, sur les modalités précises de l’expertise. Après une audience le 4 juillet, le tribunal a là aussi rejeté les arguments de l’entreprise, le 19 juillet. (...)

La sous-traitance, facteur de risque majeur (...)

c’est bien la complexité de l’organisation du travail dans un chantier aux multiples acteurs et sous-traitants qui doit être expertisée, et les préconisations réalisées ont vocation à inspirer les politiques de prévention sur l’ensemble des grands chantiers franciliens.

« Quand nous avons voulu mener notre action de prévention, nous avons aussi été confrontés à d’importantes difficultés, poursuit Loris Boulogne. Nous nous sommes rendu compte que de nombreux travaux étaient réalisés par des entreprises sous-traitantes et qu’en tant qu’élus nous avions des difficultés pour agir. »

Le Code de travail prévoit bien que le CSE d’une entreprise peut mener une enquête quand un accident touche un salarié d’une entreprise extérieure, mais dans les faits c’est souvent compliqué, en raison notamment de la multiplicité des acteurs. Celle-ci s’avère pourtant particulièrement dangereuse : une étude du ministère du travail datée de mars 2023 met en évidence une surexposition des salarié·es sous-traitants aux risques physiques et organisationnels. (...)