
En Inde, cinq États renouvellent leur parlement ce mois-ci. Parmi eux l’Uttar Pradesh, le plus peuplé du pays. A sa tête depuis 2007, Mayawati est une personnalité hors-normes dans le paysage politique indien.
(...) La bataille s’annonce rude dans l’Uttar Pradesh pour le poste de Chief Minister, Premier ministre de l’État (1). Rahul Gandhi, héritier de la longue dynastie des Gandhi, a fait de ce scrutin régional son tremplin politique personnel. Sa principale adversaire est l’actuelle Chief Minister, Mayawati : en 2007 son parti, le Bahujan Samaj Party (BSP), obtenait la majorité absolue en remportant 206 sièges sur 403. Un exploit dans cet État, habitué aux alliances peu productives. Un exploit également vis-à-vis du système social.
La société indienne est divisée en quatre grandes castes. Les Brahmanes (religieux), les Ksatriyas (guerriers), les Visayas (commerçants) et les Sudras (artisans). Enfin les Dalits, ou Intouchables, ne font pas partie de ce système. Ce qui ne les empêche pas d’être au plus bas de l’échelle sociale. Et même si leur situation évolue favorablement, ils occupent généralement les emplois les plus dégradants. Mayawati appartient à ce groupe. Surnommée « la Reine des Intouchables » par ses partisans, son programme se résume en deux points : défendre les castes inférieures et dénoncer les avantages des castes supérieures. Une stratégie payante, puisque 77% des Intouchables ont voté pour elle en 2007. Ils représentent un cinquième de l’électorat en Uttar Pradesh. (...)
en 2007. Le soutien des castes inférieures acquis depuis plusieurs années, Mayawati décide de courtiser les Brahmanes. Contre toute attente, ses anciens ennemis lui offrent la victoire. Un pari réussi haut la main, elle obtient la majorité absolue au parlement.
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Ses origines modestes, son appartenance à une caste inférieure, ses victoires font de Mayawati une icône dans l’imaginaire des Intouchables. Contrairement à bon nombre de personnalités politiques en Inde, elle n’est pas « une fille de ». Elle ne dispose pas de soutiens forts au sein du gouvernement. Avant de se lancer en politique, elle se destinait à une carrière d’institutrice. Et si elle n’est pas la première Dalit à atteindre les hautes sphères politiques, elle n’est pas issue d’un parti majoritairement composé de hautes castes.
Cette adoration n’est cependant pas partagée dans le reste du pays. (...)
Depuis, plusieurs enquêtes pour corruption ont été lancées à son encontre.
Son bilan politique n’est guère plus flatteur. Dans les campagnes, le niveau de vie des habitants n’a pas évolué. Les poteaux électriques n’ont toujours pas de fil dans certains villages. Sa principale décision fut de lutter contre la corruption, particulièrement dans la police. Elle a également mis en place un système de discrimination positive.
Ce mélange d’admiration et d’animosité fait de Mayawati une personnalité à part. Redoutée par ses opposants politiques, raillée par les élites du pays et pourtant soutenue par une large base d’électeurs, majoritairement pauvres, elle représente l’accession au pouvoir d’une population promise aux plus basses besognes. Les élections, du 8 février au 3 mars, font office de test pour Mayawati. Son ambition de faire entrer les Dalits dans l’histoire passe par un succès au moins équivalent à celui de 2007, le prestige en plus. Loin d’être acquise, à en croire les derniers sondages, une victoire face à l’héritier des Gandhi pourrait lui ouvrir les portes du gouvernement. (...)