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Rue 89 / Nouvel Observateur
La Mongolie polluée par ses yourtes
Article mis en ligne le 7 août 2014
dernière modification le 3 août 2014

Olivier Laban-Mattei a choisi le noir-et-blanc pour montrer une autre Mongolie, celle des districts de yourtes qui entourent Oulan-Bator, la capitale mongole où s’agglutinent désormais plus d’un million d’habitants, soit un bon tiers de la population totale de la Mongolie.

(...) L’ONU estime que Oulan-Bator est la seconde ville la plus polluée au monde, et c’est ce que montre le photographe français avec ses photos sombres, où les hommes ne sont que des ombres, et les cheminées crachent toutes une fûmée toxique.
En cause, le charbon, qui permet aux habitants de « Ger city », la ville des yourtes, installée autour de la ville moderne et de plus en plus rutilente, de se chauffer pendant l’hiver long et rigoureux (les températures peuvent descendre jusqu’à -40°). Mais dont l’impact sur l’environnement et la santé des habitants est absolument désastreux. (...)

Oulan Bator est une capitale paradoxale. Pendant des décennies, elle a été une ville à l’architecture soviétique prononcée, chauffée par d’énormes boyaux d’eau bouillante amenant la chaleur dans les appartements des HLM version mongole. Elle est aujourd’hui écartelée entre une rapide modernisation, et une bidonvillisation non moins rapide.
La disparition de l’Union soviétique, en 1991, a eu un impact considérable sur ce pays géant (trois fois la France) mais sous-peuplé (moins de trois millions d’habitants), coincé entre deux empires rivaux, le russe et le chinois.
Nomades fonctionnarisés
Les nomades qui avaient été fonctionnarisés pendant l’ère soviétique, ont été rendus à la vie traditionnelle après une interruption de plusieurs décennies. Mais, comme me l’avait expliqué un vieux Mongol alors que je suivais une campagne électorale dans le désert de Gobi il y a quelques années, les nouvelles générations ont eu du mal à renouer le fil de la vie nomade, surtout lors des hivers les plus rigoureux, que l’on appelle le « dzud ».
Ce vieux Mongol, qui parlait en sniffant un flacon de parfum sous sa yourte, expliquait le gonflement permanent des quasi-bidonvilles autour de la capitale par l’échec de clans nomades, ruinés par la perte de leur bétail.
C’était pourtant avant le « dzud », le terrible hiver 2010, le plus froid depuis quatre décennies avec des températures de -51°. Des millions de têtes de bétail sont mortes de froid, envoyant vers la ville ces familles nomades au bout du rouleau.
Le chauffage hérité du système communiste est fait de gros tuyaux d’eau bouillante qui sillonnent la ville « en dur ». Dans les immenses quartiers improvisés de yourtes et de cabanes sur les collines autour de la capitale, c’est le charbon qui règne et diffuse ce « smog » qui donne à Oulan Bator cet air vicié qui empoisonne les poumons. (...)

Il existe, à Oulan Bator, une institution très spéciale : l’hôpital de la Charité, seule institution médicale gratuite de Mongolie, où se retrouvent généralement les pauvres hères découverts brûlés près des tuyaux. Cet hôpital est tenu par des soeurs françaises de l’Ordre de la Fraternité Notre-Dame, une congrégation traditionaliste en rupture avec le Vatican.
A chaque visiteur, la mère supérieure présente d’abord un livre de photos prises à l’hôpital. On y voit en particulier les victimes des tuyaux de chauffage, des photos atroces de grands brûlés dont on a peine à croire qu’il s’agit simplement d’alcooliques allés chercher un peu de châleur alors qu’il fait -40 dehors... Une manière pour cette religieuse à poigne de tester la solidité de son interlocuteur, ou de le préparer au récit de la détresse sociale dans cette capitale tentaculaire. (...)

De quoi donner une envie folle de fuir la ville pour les grands espaces de l’ « autre » Mongolie, celle des grands espaces et des chevaux en liberté. Une Mongolie mythique qui se meurt.