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La France n’est pas une PlayStation
Pierre Tartakowsky, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme
Article mis en ligne le 14 avril 2018
dernière modification le 13 avril 2018

La France n’est pas une PlayStation. Que les colères qui s’expriment – qu’on les juge ou non légitimes – révèlent un formidable sentiment d’injustice sociale, d’inégalités, de rage et d’attente d’un horizon meilleur.La politique gouvernementale se déploie à l’image de ces questionnaires informatiques parfaitement calibrés et dont la logique interne suppose qu’on y réponde en « renvoyant les paroles », selon les termes du Robert. Chaque question appelle une réponse, d’ailleurs contenue dans la question. Toute tentative de sauter une case, ou de lui en substituer une autre, plus ou moins alternative, suscite une sorte de mépris blasé, quand elle n’est pas vouée aux gémonies. (...)

On s’interroge : inconscience, maladresse ou provocation ? Qu’il s’agisse des territoires, du travail, de la politique fiscale, de la crise de l’accueil, de l’avenir de la fonction publique ou de celui de la jeunesse estudiantine, force est de constater que les réformes gouvernementales avancées au rythme d’une avalanche ne soulèvent pas l’enthousiasme.

Les expressions de ces désaccords pourraient simplement attester d’une bonne santé démocratique du pays, de ses institutions, de ses corps intermédiaires. Elles le pourraient si elles étaient accueillies pour ce qu’elles sont : des manifestations d’intérêt collectives qui replacent l’intérêt général au cœur d’un dialogue social, civil et politique efficace car respectueux. Un dialogue pétri de contradictions, difficile donc, mais incontournable si l’on souhaite mettre l’avenir en commun.

Au lieu de quoi le gouvernement Philippe donne le sentiment de chausser les funestes bottes d’Alain Juppé. Il brutalise systématiquement les termes du débat et ses acteurs et ce, dans tous les domaines. (...)

On pourrait se croire dans l’un de ces jeux vidéo, dont l’intérêt réside à déchaîner une capacité de feu maximale contre des aliens agressifs et étranges. A ce simple détail près que la France n’est pas une PlayStation. Que les colères qui s’expriment – qu’on les juge ou non légitimes – révèlent un formidable sentiment d’injustice sociale, d’inégalités, de rage et d’attente d’un horizon meilleur. La pédagogie, dont on croit comprendre que le gouvernement s’en tient au caractère répétitif, n’y suffira pas, surtout lorsqu’elle s’exerce sur un fond continu de rétraction des libertés civiles, de déploiements répressifs et de mesures d’interdictions restreignant la liberté de l’information.

Les conflits ne sont pas des problèmes : ils portent en eux des solutions. La plupart du temps il s’agit, certes, de solutions auxquelles le gouvernement refuse même de penser. C’est d’ailleurs leur fonction : contraindre à penser. (...)