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La Cimade
La Cimade et Amnesty International France lancent une campagne contre les expulsions de personnes afghanes par la France et l’Union européenne.
Article mis en ligne le 5 octobre 2017

Alors que l’Afghanistan connait une flambée de violences, les pays européens accélèrent les expulsions d’Afghans et d’Afghanes au mépris de leur sécurité.

À l’occasion de la publication du rapport Retour forcé vers l’insécurité (voir liens en bas du communiqué), La Cimade et Amnesty International France dénoncent les expulsions des personnes afghanes depuis l’Europe et spécifiquement depuis la France. Nos organisations alertent le gouvernement français et les institutions européennes sur les dangers auxquels sont exposées ces personnes.

Elles appellent le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb à mettre un terme à toutes les procédures de renvois forcés vers l’Afghanistan et à décréter un moratoire sur ces renvois. De même, elles l’appellent à ne procéder à aucun transfert de demandeurs d’asile vers un autre État européen s’il existe, au final, un risque de renvoi vers l’Afghanistan. Ce risque est manifeste en particulier dans les États européens qui expulsent le plus vers l’Afghanistan ou dont le taux d’octroi du statut de réfugié est faible.

Alors que le nombre de victimes civiles est plus élevé que jamais en Afghanistan, les gouvernements européens obligent de plus en plus de demandeurs d’asile à repartir affronter les menaces qu’ils ont fuies, en violation flagrante du droit international.
« Désireux avant tout d’augmenter le nombre d’expulsions, les gouvernements européens appliquent une politique à la fois irresponsable et contraire au droit international. Délibérément aveugles à tous les éléments qui montrent que la violence atteint un niveau record et qu’aucune région d’Afghanistan n’est épargnée, ils exposent des hommes, des femmes et des enfants à des dangers tels que l’enlèvement, la torture, ou la mort », déclare Cécile Coudriou, vice-présidente d’Amnesty International France.

Les retours forcés et les victimes civiles se multiplient

Le nombre de retours forcés depuis l’Europe est en augmentation rapide, à un moment où celui des victimes civiles enregistrées par l’ONU atteint un niveau record. (...)

Si l’on en croit les statistiques officielles de l’Union européenne (UE), entre 2015 et 2016, le nombre d’Afghans renvoyés dans leur pays par des États européens a presque triplé, passant de 3 290 à 9 460. Ces retours correspondent à une baisse très nette des avis favorables donnés aux demandes d’asile, passés de 68 % en septembre 2015 à 33 % en décembre 2016.
En France, les constats de La Cimade et d’autres ONG sur le terrain montrent une dégradation de la situation à partir de 2016 qui s’accentue encore en 2017. Du 1er janvier au 15 septembre 2017, 1 614 personnes afghanes ont été enfermées dans des centres de rétention sur la base d’une mesure d’éloignement, alors même qu’en 2016, 1 046 personnes afghanes avaient déjà subi le même sort. Cette dégradation est aussi caractérisée par des violations massives des droits par les préfectures qui mettent en œuvre cette politique puisque 70 % des personnes afghanes visées ont été libérées par des juges qui ont considéré comme illégale la décision d’un placement en rétention, la mesure d’éloignement ou la procédure judiciaire. (...)

Il est indispensable que le ministère de l’Intérieur décide d’un moratoire immédiat sur les renvois directs en Afghanistan, et il est urgent qu’il cesse de mettre en danger des personnes en les transférant vers d’autres Etats européens qui risquent manifestement de les expulser à leur tour vers ce pays. Il serait hypocrite de ne pas tirer toutes les conséquences de la situation en Afghanistan », déclare David Rohi, responsable national de la rétention à La Cimade.

Meurtres, mutilations et persécutions
Dans le même temps, on assiste à une augmentation du nombre de victimes civiles en Afghanistan, comme en témoignent les chiffres publiés par la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA).
Selon la MANUA, 11 418 personnes ont été tuées ou blessées en 2016. Des civils ont été pris pour cible dans toutes les régions du pays. La plupart des attaques ont été perpétrées par des groupes armés, notamment par les talibans et le groupe se faisant appeler État islamique (EI). Au cours du seul premier semestre 2017, la MANUA a recensé 5 243 victimes civiles. (...)

Les chercheurs d’Amnesty International se sont entretenus avec plusieurs familles qui leur ont fait part du calvaire qu’elles avaient vécu après avoir été contraintes de quitter l’Europe (...)

« Une coupe de poison »
Les États européens n’ignorent aucunement la dangerosité de la situation en Afghanistan. D’ailleurs, ils l’ont reconnue lorsque les membres de l’Union européenne (UE) ont signé un accord informel de coopération baptisé « Action conjointe pour le futur », officiellement présenté comme un programme d’aide au développement mais en fait destiné à faciliter le renvoi des demandeurs d’asile afghans.
Dans un document ayant fuité, l’administration de l’UE reconnaît que l’Afghanistan est confronté à « une détérioration de sa situation sécuritaire et une aggravation des menaces auxquelles les gens sont exposés, avec un nombre record d’attaques terroristes et de civils tués ou blessés ». Ce qui ne l’empêche pas de conclure, avec un total cynisme, qu’il faut « que 80 000 personnes au moins puissent retourner chez elles dans un futur proche ».
Selon des informations jugées fiables, des pressions auraient été exercées sur le gouvernement afghan pour qu’il accepte cette « nécessité » des renvois. Le ministre afghan des Finances, Ekil Hakimi, a déclaré devant le Parlement : « Si l’Afghanistan ne coopère pas avec les pays de l’Union européenne dans le cadre de la crise des réfugiés, cela aura des conséquences négatives pour le montant de l’aide allouée à notre pays. » (...)

Dans le même ordre d’idées, une source afghane connaissant bien l’accord et s’exprimant sous le sceau de la confidentialité a qualifié ledit accord de « coupe de poison » que le gouvernement afghan aurait été obligé d’avaler en échange d’une aide.

« Ces retours constituent des violations flagrantes du droit international et ils doivent cesser immédiatement. Les mêmes pays européens qui s’étaient naguère engagés pour que les Afghans connaissent un avenir meilleur anéantissent aujourd’hui tous leurs espoirs et les condamnent à repartir dans un pays qui est devenu encore plus dangereux que lorsqu’ils l’ont quitté », déplore Jean-François Dubost, responsable du programme Protection des populations à Amnesty International France.