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Mediapart
La CRS 8, l’unité « va-t-en-guerre » de Gérald Darmanin, est visée par une enquête judiciaire
#violencespolicieres #Darmanin
Article mis en ligne le 24 mai 2023
dernière modification le 23 mai 2023

Des policiers de la CRS 8, une unité spéciale que Gérald Darmanin a créée en 2021 et qu’il utilise à sa main, font l’objet d’une enquête ouverte par le parquet de Rennes pour avoir brutalisé un manifestant. Dans une note interne, le commandant de cette compagnie ne cache pas leur esprit va-t-en-guerre. Interrogés par Mediapart, des préfets s’émeuvent du fonctionnement hyperviolent de cette compagnie.

Une unité d’élite, composée de policiers triés sur le volet : c’est ainsi que le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin présente la compagnie républicaine de sécurité 8, l’unité spéciale de policiers créée en juillet 2021 pour lutter contre les « troubles graves à l’ordre public et les violences urbaines » ou pour « rétablir l’ordre républicain ». Gérald Darmanin décide lui-même, avec son cabinet, de ses principales missions : à Marseille ou à Valence, à la suite de règlements de comptes ; à Rennes et à Paris lors des manifestations contre la réforme des retraites ou encore à Mayotte sur l’opération « Wuambushu ». Contacté par Mediapart, le cabinet de Gérald Darmanin confirme que « certains engagements sont demandés par l’autorité ministérielle ».

Le ministère n’hésite pas à autoriser des médias, triés eux aussi sur le volet, à suivre cette unité (de deux cents hommes), mobilisable rapidement et à toute heure, dont l’équipement plus léger lui permet d’aller davantage au contact, selon des méthodes du maintien de l’ordre plus répressives.

Selon une information de Mediapart, des policiers de la CRS 8 sont visés par une enquête judiciaire ouverte par le parquet de Rennes pour « violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique », lors de la mobilisation contre la réforme des retraites. Les investigations ont été confiées à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). (...)

En effet, à la suite des manifestations du samedi 15 avril, les vidéos montrant des violences commises par des forces de l’ordre ont abondamment été relayées sur les réseaux sociaux. En particulier celles enregistrées à Rennes, sur le boulevard de la Liberté, l’une des artères centrales de la ville. (...)

Comme le montre la vidéo enregistrée par un témoin depuis son appartement, les policiers sont six à s’acharner sur Thomas, et certains lui écrasent les jambes en marchant dessus. « Lorsqu’ils m’ont mis dans le camion, ils m’ont fait rentrer dans une cage trop petite en me gazant à moins d’un mètre. » Pris de « crises d’angoisse », Thomas a hésité à porter plainte mais son père l’a convaincu de le faire. « Quand j’ai vu les vidéos, ça a été un deuxième choc de revoir toute cette violence. Les faits sont trop graves pour être passés sous silence. »

Il est poursuivi pour « outrage ». « Un comble », commente-t-il. « Alors même qu’ils m’agressent, ils rajoutent de fausses déclarations en disant que j’aurais craché sur eux. Je suis convoqué dans un an pour répondre de ces accusations. »

À la suite de la plainte qu’il a déposée le 21 avril, pour dénoncer ces faits, le procureur de la République de Rennes a ouvert une enquête préliminaire sur les violences dénoncées par Thomas. Après avoir consulté son médecin traitant, qui a constaté différents traumatismes et de nombreuses ecchymoses, Thomas a été examiné par un médecin de l’unité médico-judiciaire mais les conclusions ne lui ont pas été transmises. (...)

« Je me suis approchée. Ils étaient plusieurs sur lui. Je leur ai dit : “Arrêtez, vous allez l’asphyxier !” Et là, un policier s’est avancé vers moi en pointant son lance-grenade au niveau de mon visage, en me disant : “Dégage, dégage !” J’avais mon brassard presse et ma carte. J’ai dit que j’étais journaliste, il m’a dit : “Rien à foutre.” »

« Un lance-grenade à quelques centimètres du front », Anna reste depuis « encore profondément marquée par ces violences » et se réserve le droit de déposer plainte, lors de sa prochaine audition par l’IGPN, en tant que témoin, dans le cadre de l’enquête. (...)

ce samedi-là, nombreux sont les témoins qui ont pu filmer la CRS 8 brutalisant Thomas, traînant une femme à terre ou encore braquant une arme sur la photographe. Cette accumulation de violences de la part de cette compagnie sur une seule journée a amené le député d’Ille-et-Vilaine Frédéric Mathieu (La France insoumise) à saisir le procureur de la République de Rennes, sur le fondement de l’article 40 du Code de procédure pénale, selon lequel toute autorité constituée qui est témoin ou acquiert la connaissance d’un crime ou délit dans l’exercice de ses fonctions se doit de le signaler à un magistrat.

Sur la base des vidéos qu’il a adressées au procureur, le député a donc signalé, le 18 avril, les violences sur Thomas, les menaces sur la photographe Anna, ainsi que l’absence de port de leur numéro d’identification (RIO, pour référentiel des identités et de l’organisation) par les policiers concernés.

Contacté par Mediapart, le procureur de la République de Rennes a précisé que compte tenu du fait que les violences sur Thomas étaient le fait de la CRS 8, le signalement du député a été joint à l’enquête. (...)

C’est en sens contraire que s’oriente Gérald Darmanin, puisqu’il vient d’annoncer la création, d’ici 2024, de quatre nouvelles compagnies sur le modèle de la CRS 8, basées notamment à Marseille, Nantes et Montauban. Il ne peut guère ignorer, pourtant, les dérives de cette compagnie dont son cabinet et lui-même assurent la gestion, court-circuitant, au passage, les instances chargée des unités de police et de gendarmerie. (...)

De façon exceptionnelle, deux préfets ayant eu la CRS 8 sur leur territoire, ont accepté de nous répondre. « C’est une compagnie qu’il faut tenir “rênes courtes” car elle peut être assez incontrôlable », nous a expliqué le premier, qui a déjà dû faire plusieurs remarques sur la CRS 8. (...)