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jef Klak
LA GUERRE DES OLIVIERS Italie du Sud : arbres millénaires et labos tueurs + pétition
MAJ du 26 novembre : le procès est reporté au 14 février 2018
Article mis en ligne le 27 novembre 2017

Novembre 2015. Deux cents personnes entrent dans la gare de San Pietro Vernotico, région des Pouilles, en Italie. En bloquant les voies ferrées, elles s’opposent au plan Silletti, qui prévoit l’abattage massif des oliviers du Sud, supposément infectés par la bactérie « Xylella », ainsi que la pulvérisation massive de pesticides mortels. 46 personnes passent en procès ce 6 novembre 2017 pour « manifestation non déclarée et interruption d’un service public ».

L’occasion de revenir sur une lutte contre le développement industriel imposé aux habitant.es du sud de l’Italie par l’État, les laboratoires de recherche publics et une poignée de multinationales : comment la modernité combat ses méfaits en en produisant de nouveaux. Et comment les arbres résistent.
Appel à solidarité avec les inculpé.es. (...)

Il y a une armée dans les campagnes du Salento. Une armée de guerriers grands et puissants. Ancrés dans la terre, ils font barrage à tout type de spéculation. Protègent les sols menacés d’être transformés en zones commerciales, stations touristiques, champs de panneaux solaires, cultures agricoles intensives, corridors pour gazoducs. C’est une armée de onze millions d’oliviers, héritiers d’une histoire millénaire, incompréhensible pour qui mesure le temps selon le rythme saccadé des mandats électoraux.

Ces guerriers portent la culture de ces lieux, le savoir transmis depuis des générations, contrastant avec la prestigieuse érudition des technocrates. Ils sont l’oxygène qui dilue les venins des désastres chimiques d’ILVA 1 et de Cerano 2, seuls héritages du modèle industriel qui promettait au sud de l’Italie un destin de progrès et développement. Ils sont la beauté de ces troncs tourmentés, l’ombre qui rafraîchit la terre et s’oppose aux suffocantes cathédrales de ciment.

C’est pour ça qu’il faut les abattre.

Ils sont incompatibles avec une perspective de développement prédateur, exigeant un saut qualitatif dans l’accaparement des terres. Depuis vingt ans, d’illustres savants dénoncent leur obsolescence technologique, leur faible productivité, leur manque de compétitivité. Ce n’est pas le CoDIRO (Syndrome de dessèchement rapide de l’olivier) qui brûle aujourd’hui les branches des oliviers depuis le Cap de Leuca jusqu’à Brindisi, mais une maladie tout à fait humaine.

Néolibéralisme agricole (...)

Le plan des chercheurs prévoyait de remplacer l’existant par des cultures intensives d’oliviers à rendement élevé, composées de rangées denses d’arbustes mornes. Des arbrisseaux tous identiques, soigneusement sélectionnés et brevetés, tout dégarnis et sans ombre, sans branches latérales, enfin, pour ne pas gêner les outils de récolte. Des arbustes pensés pour une agriculture hypermécanisée, une agriculture dite « labour saving », pauvre en arbres et en travailleurs de la terre.

Quant aux enjeux sociaux, plus le temps passe, plus ils perdent de leur importance, étant donné que la population italienne active employée dans le secteur agricole diminue constamment et tend à devenir de plus en plus rare et chère. (...)

Une agriculture sans travailleurs de la terre. C’est le modèle proposé par l’université pour affronter lesdits ennemis de l’huile italienne : ces ouvriers agricoles « maghrébins, turcs, jordaniens 15 » qui gagnent entre 0,50 et 0,60 € de l’heure.

Oui mais… sommes-nous certains que quelqu’un ne soit pas en train de servir ce même discours aux ouvriers agricoles maghrébins ? Que la main invisible des marchés n’appartienne vraiment à personne ? N’y a-t-il réellement aucun doute sur le fait qu’elle soit dirigée par un vaste ensemble de sujets qui la meuvent selon leurs intérêts ? (...)

Peu avant l’inauguration de l’Association européenne de libre-échange (AELE 16) en 1994, Agromilla a commencé à délocaliser des pépinières et des laboratoires de recherche au Maroc, en Tunisie et en Turquie, afin de promouvoir également sur l’autre rive de la Méditerranée l’expansion de cultures intensives (oléicoles ou autres) destinées à l’exportation vers l’Europe, en vue de la libéralisation des quotas et des droits. En 2015, la multinationale a également ouvert une pépinière en Jordanie. L’agriculture dite « labour saving » s’est ainsi propagée au-delà de la Méditerranée, grâce à des capitaux européens initialement investis dans ces technologies qui tuent le travail en Italie. (...)

L’ensemble de la Méditerranée se retrouve dès lors à produire une huile d’olive uniforme en termes de qualité et de saveur, qui ne se différencie que par le prix, dans une course au rabais effrénée. Dans ce genre de cas, le travail humain est le premier à en faire les frais. Et pas seulement celui des ouvriers agricoles. Plus largement, l’agriculture intensive se passe très bien de paysans. (...)

Ils vinrent avec les bulldozers.

Ils vinrent avec leurs uniformes et une feuille à la main : « Injonction d’abattre, au nom de la loi, de l’Europe et de la Science ». Au nom d’analyses menées dans le secret des laboratoires, et qui n’ont jamais été montrées aux propriétaires terriens.

C’était le 13 avril 2015, lorsque le premier olivier séculaire d’Oria (province de Brindisi), marqué comme étant infecté, éclata en morceaux sous les tronçonneuses. Autour, les paysans indignés et solidaires, avaient réussi en protestant, à bloquer les bulldozers pendant quelques heures. (...)

l’utilisation massive des insecticides a été imposée aux agriculteurs, avec contrôle des factures 26 attestant de leur emploi. Un empoisonnement massif, un dommage environnemental aux conséquences imprévisibles. (...)

Pétition : Appel à solidarité les inculpé.es