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Le Monde
L’imam Hassan Iquioussen, dont le Conseil d’Etat a validé l’expulsion vers le Maroc, est en fuite
Article mis en ligne le 31 août 2022

Le ministère de l’intérieur avait publié, le 28 juillet, un arrêté d’expulsion visant M. Iquioussen en raison d’« un discours prosélyte émaillé de propos incitant à la haine et à la discrimination et porteur d’une vision de l’islam contraire aux valeurs de la République ».

Saisi par les avocats de M. Iquioussen, le tribunal administratif de Paris avait suspendu, au début du mois d’août, cette demande d’expulsion en arguant que l’expulsion de l’imam, né en France il y a cinquante-huit ans, mais de nationalité marocaine, porterait « une atteinte disproportionnée » à sa « vie privée et familiale ».

Dans sa décision, le juge des référés du Conseil d’Etat estime que « ses propos antisémites, tenus depuis plusieurs années, lors de nombreuses conférences largement diffusées, ainsi que son discours sur l’infériorité de la femme et sa soumission à l’homme constituent des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine justifiant la décision d’expulsion. Il considère par ailleurs que cette décision ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à la vie privée et familiale de M. Iquioussen », explique la plus haute juridiction administrative française dans son communiqué. (...)

« Le combat judiciaire continue »

L’avocate de l’imam, Lucie Simon, a réagi sur Twitter en estimant que cette décision symbolisait « un Etat de droit affaibli » et a déploré « un contexte alarmant de pression de l’exécutif sur le judiciaire », ajoutant :

« Le combat judiciaire continue, le tribunal administratif de Paris sera amené à se pencher sur le fond du dossier prochainement, et Hassan Iquioussen étudie la possibilité de saisir de nouveau la CEDH [Cour européenne des droits de l’homme]. »

La CEDH avait refusé de suspendre l’expulsion début août, expliquant qu’elle n’accordait des mesures provisoires de suspension « qu’à titre exceptionnel », lorsque le requérant était exposé « à un risque réel de dommages irréparables ».

Lire aussi :

Communiqué LDH

Pour rappel, la LDH (Ligue des droits de l’Homme) était intervenue volontairement au soutien de la requête en référé liberté contre l’arrêté d’expulsion pris à l’encontre M. Hassan Iquioussen, estimant qu’un tel éloignement contreviendrait au respect dû à la vie privée et familiale de l’intéressé.

Si la LDH condamne fermement certains des propos tenus par l’intéressé par le passé, ceux-ci ne sauraient pour autant justifier son expulsion du territoire français, où il est né, y a toujours vécu et où il a fondé sa famille et alors même qu’il n’a jamais fait l’objet de la moindre condamnation pénale.

Tel a été le raisonnement suivi par le tribunal administratif de Paris qui, en ce sens, a fait droit à sa requête en référé-liberté.

Saisi d’un appel du ministre de l’Intérieur contre l’ordonnance rendue, le Conseil d’Etat a annulé ce jour la suspension de l’arrêté d’expulsion prononcé à l’encontre de monsieur Iquioussen et confirme ainsi son expulsion.

Si le Conseil d’Etat considère que plusieurs motifs retenus par le ministère de l’Intérieur n’étaient pas de nature à justifier une décision d’expulsion, il juge en revanche que les discours systématiques sur l’infériorité des femmes et antisémites sont constitutifs d’actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes justifiant une expulsion.

Le Conseil d’Etat juge, en outre, que la décision d’expulsion n’était pas manifestement disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et qu’elle ne portait pas une atteinte grave et manifestement illégale à la vie privée et familiale de M. Iquioussen en ce que ses enfants sont majeurs – ne dépendant donc plus de leurs parents – et qu’ils ne se trouvent pas dans l’impossibilité de se déplacer au Maroc et de l’y rejoindre le cas échéant.

La LDH regrette cette décision en ce qu’elle s’écarte de la stricte application des principes intangibles du droit et ouvre ainsi la voie à une extension du champ d’application des expulsions au détriment des droits fondamentaux, tels que le droit au respect de la vie privée et familiale.

Paris, le 30 août 2022