
Tribune : Collectif
Depuis l’introduction de la réforme du lycée en 2019, le nombre de bachelières préparées pour des études de sciences a été réduit de 60 %. Ces chiffres inquiètent le Collectif maths & sciences, qui demande, dans une tribune au « Monde », une action rapide afin de permettre à tous d’accéder à une formation scientifique.
Le nouveau baccalauréat a été lancé il y a trois ans. Censé diversifier les profils des élèves pour faciliter leur entrée dans les études supérieures et le monde du travail, le nouveau lycée produit des résultats dont la cohérence interroge : le nombre des bacheliers préparés pour des études de sciences a été réduit de moitié, c’est ce dont on s’aperçoit lorsque l’on compare les données annuelles de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation. Pire, celui des bachelières scientifiques a diminué de 60 % alors que les professionnels de l’industrie, du conseil, du numérique, de l’ingénierie et de la haute technologie demandent plus de personnes qualifiées en sciences et s’inquiètent de la trop faible présence des femmes.
(...) Face à ces constats, l’alerte a été donnée depuis deux ans par les services statistiques publics, relayée par tous, au point de devenir un sujet de campagne présidentielle. Pour autant, la réaction tardive du ministère demeure sans rapport avec l’importance des enjeux pour le pays. Imposé à partir de la rentrée 2023 pour les élèves de première ne choisissant pas la spécialité maths, l’ajout d’une heure trente de mathématiques ne peut avoir d’impact sur le public scientifique auquel il ne s’adresse pas. (...)
Nouvelles contraintes
Durables, car elles impactent les futurs enseignants du primaire : demain, ces aspirants professeurs d’école auront une formation en mathématiques beaucoup plus réduite. (...)
Durables aussi car le risque d’échec de la réindustrialisation promise par le plan de relance France 2030 est réel. Il menace l’indépendance stratégique du pays. Faute d’un accroissement suffisant des effectifs de bon niveau scientifique et d’investissements solides dans l’enseignement supérieur et la recherche, on met aussi en danger la réussite des plans d’innovations technologiques indispensables pour s’adapter aux nouvelles contraintes du climat et de l’environnement, des ressources énergétiques et alimentaires, de la santé. L’absence de la France dans la course aux vaccins contre le Covid-19 reflète déjà les manques actuels.
Dramatiques, car en marginalisant les mathématiques on aggrave leur aspect élitiste en oubliant leur vertu formative, fondamentale pour tous au même titre que le français, et indispensable pour appréhender les sciences. En excluant des mathématiques les élèves non destinés à former « l’élite », celle-ci s’appauvrit en nombre et en diversité, et donc en performance. (...)
Eliminer les impasses
Croire qu’une rupture majeure due à une réforme systémique sera comblée à court terme par des actions associatives est irréaliste. (...)
Alors, que faire ? Pour garantir à tous les élèves une formation scientifique adaptée, repenser les parcours proposés au lycée est inévitable. Assurer une augmentation significative des heures d’enseignement de mathématiques et de sciences jusqu’en terminale pour tous les élèves, améliorer la polyvalence scientifique, éliminer les impasses possibles sur les sciences sont autant de pistes possibles. Il est indispensable de coconstruire des solutions sans délai avec l’ensemble des partenaires impliqués en s’appuyant sur leurs compétences et les analyses disponibles. (...)