
Tribune. Depuis huit mois, les femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignolles, (Paris XVIIe), avec le soutien de leur syndicat CGT-HPE, sont en grève pour dénoncer les conditions de travail qu’elles subissent du fait de la politique de sous-traitance du groupe Accor Hotels.
Le recours à la sous-traitance permet de masquer à bon compte la responsabilité du groupe hôtelier dans l’ensemble des pratiques discriminatoires qui caractérisent les conditions d’embauche et de travail : il s’agit d’une main-d’œuvre essentiellement féminine et racisée, systématiquement sous-payée, et assignée aux activités de nettoyage épuisantes et dévalorisées qui sont au cœur de l’hôtellerie. Car employées en contrats à mi-temps et rémunérées non pas à l’heure mais à la chambre faite, les femmes de chambre travaillent autant que des salariées à temps plein, mais pour un salaire moitié moindre.
Depuis le 17 juillet 2019, à l’hôtel Ibis des Batignolles, à Paris, 20 femmes de chambre, gouvernantes et équipiers du service dit de l’hébergement sont ainsi en grève reconductible. Cela fait donc huit mois qu’elles dénoncent chaque jour cette politique de sous-traitance, et exigent leur embauche directe par le groupe Accor Hotels et la reconnaissance salariale du travail effectué. Victimes de harcèlement moral et sexuel, les grévistes réclament aussi le respect de leur dignité que le groupe Accor Hotels bafoue sans cesse par ses pratiques
Leur traitement évoque des pratiques coloniales qui ont massivement assigné les femmes à la domesticité, à l’exploitation sexuelle et au travail gratuit. Les grévistes disent souvent que ce n’est pas parce qu’elles sont des femmes noires qu’elles doivent être traitées comme des esclaves. Car la majorité d’entre elles sont migrantes : elles viennent d’Afrique subsaharienne et ont des titres de séjour d’un an. (...)
La sous-traitance du travail s’explique par la recherche du profit, mais elle vient aussi renforcer d’autres logiques de domination, et notamment une division sexuelle et raciale du travail. Pourquoi le groupe Accor Hotels choisit-il de sous-traiter ces métiers en priorité, alors qu’un hôtel ne peut exister sans femmes de chambre et sans gouvernantes ? C’est qu’employer des femmes « qui n’ont pas le choix », sans diplômes ou avec des diplômes non reconnus en France lui permet de les exploiter en gardant le contrôle sur ces tâches dont l’importance est invisibilisée. (...)
La discrimination est pourtant contraire à la loi. En attendant, les femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignolles sont toujours déterminées à mener leur combat jusqu’au bout et à dénoncer les discriminations. Depuis huit mois, leur infatigable mobilisation pour des salaires justes, pour la dignité humaine et pour que le groupe Accor Hotels assume ses responsabilités d’employeur force le respect. C’est avec admiration que nous soutenons leur lutte utile et courageuse.