
« L’enfance n’est pas l’expérience libre d’un monde à part, mais l’appropriation réglée du monde existant ». Pour le dire avec d’autres mots, les individu-e-s n’existent et ne se construisent que dans des rapports sociaux, il n’y a pas d’être humain « pré-existant » sans relation aux autres.
L’ordre scolaire est un ordre social dont les particularités ne peuvent être abordés simplement de l’extérieur. Il participe à et de la socialisation des enfants.
« Nous nous posons quant à nous le problème de façon ouverte : dans quelle mesure et comment les enfants parviennent-ils, au fil de leur vie quotidienne, à appréhender l’ordre social dans ses diverses dimensions, à s’y orienter, à classer et à se classer socialement ? Quels sont les moyens de classer dont les enfants disposent, quels critères privilégient-ils, quelles logiques de classement emploient-ils – et d’où peuvent-ils bien tenir tout cela ? »
Wilfried Lignier et Julie Pagis abordent, entre autres, l’ordre des enfants, l’enfance de l’ordre, les subjectivités enfantines, l’engagement pratique des enfants dans leurs apprentissages, « la matière des pensées enfantines et des cultures enfantines ne sauraient être une pure création spontanée », la circulation des objets et des symboles…
« Nous avons étudié la socialisation des subjectivités enfantines en nous centrant sur les enfants eux-mêmes. Mais ces enfants ne sont pas considérés dans notre recherche comme un point d’aboutissement ; notre but n’est pas prioritairement de restituer les points de vue enfantins ou, pire, le point de vue de l’Enfant sur la société. Les enfants sont au contraire pour nous un point de départ, à la fois méthodologique et théorique. Ce qu’ils disent et ce qu’ils pensent nous intéresse dans la mesure où il s’avère possible d’en proposer une genèse sociale ».
Les auteur-e-s soulignent les conditions très inégales pour l’élaboration des perceptions sociales, le poids de l’entourage familial, les liens complexes entre ordre social et élaboration subjectives de l’ordre social… Elle et il abordent la formation de représentations sociales, la participation des enfants, « Ils participent d’emblée à cet ordre, ils en sont, à la mesure de leur force sociale, les créateurs », les variations entre des conditions enfantines, la place du langage, les interrelations des enfants avec les enquêteur/enquêtrice (« avec nos questions nous produisons un contexte social »)… (...)
« Plutôt que de conclure au penchant réactionnaire des enfants ou de s’en étonner, on devrait se demander, au contraire, comment ces derniers pourraient être critiques ou méfiants envers un pouvoir et des autorités politiques en place, alors que le respect de l’autorité (parentale) est quotidiennement valorisé, que les enfants son récompensés quand ils s’en tiennent à l’ordre (familial, scolaire) et sanctionnés lorsqu’ils en viennent à le subvertir » (page 295)
Un ouvrage de sociologie bien utile et surprenant. Le poids des injonctions et les constructions/créations enfantines sous contraintes… Les mots des enfants, leurs compréhensions, leur être pensant… (...)