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Slate.fr
L’éducation sexuelle à l’école ne répond pas assez aux besoins des élèves
Article mis en ligne le 12 février 2021
dernière modification le 11 février 2021

« Mon seul souvenir de l’éducation à la sexualité au collège, c’est d’avoir appris à mettre une capote sur une banane », se marre Alexandre, 16 ans, quand on lui demande de témoigner de son expérience.

Tom, 18 ans, revient également sur les carences de cette éducation : « Lors de mes cours d’éducation sexuelle en 4e, nous n’avons jamais abordé les questions de consentement, de plaisir ou de diversité des sexualités. On nous a parlé des organes sexuels de manière parcellaire et schématique et de façon purement utilitaire, se souvient-il. En seconde, j’ai eu à nouveau trois heures d’éducation à la sexualité. Si nous avons étudié les choses sous un angle purement médical, j’ai surtout été choqué par les propos homophobes tenus par mon professeur. »
La loi n’est pas appliquée

Insuffisance évidente des enseignements, discours orientés vers la prévention des risques, contenus normatifs et peu inclusifs, manque de pertinence par rapport aux attentes et aux besoins des élèves… Alexandre et Tom résument bien les écueils de l’éducation à la sexualité telle qu’elle est prodiguée dans une majorité des établissements scolaires. Ce en dépit de la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 qui rend obligatoire une information et une éducation sexuelle dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et de la circulaire n° 2018-111 du 12-9-2018 qui entérine le fait que l’éducation à la sexualité doit être pluridisciplinaire, transversale et fondée sur les valeurs humanistes de liberté, d’égalité et de tolérance, de respect de soi et d’autrui.

« Nous constatons chaque jour que la loi n’est pas appliquée », déplore Caroline Rebhi, coprésidente du Planning familial. (...)

« Nous voyons régulièrement des jeunes femmes qui découvrent leur corps au moment d’une grossesse faute d’une éducation adaptée. »
Caroline Rebhi, coprésidente du Planning familial

Caroline Rebhi constate que malgré le développement de comptes Instagram et autres supports numériques à destination des jeunes, de nombreuses idées reçues perdurent : « Beaucoup sont celles et ceux qui pensent que l’on ne peut pas tomber enceinte ou que l’on ne peut pas attraper d’IST au premier rapport, par exemple. »

Elle remarque, en outre, que des questions relatives à la notion de consentement se posent (...)

Une approche hétéronormée

Gabrielle Richard, sociologue du genre canadienne basée à Paris et autrice de Hétéro, l’école ? Plaidoyer pour une éducation antioppressive à la sexualité, déplore également un « focus mis sur la reproduction et sur les risques inhérents à la sexualité ». Ainsi regrette-t-elle que l’éducation à la sexualité ne soit pas davantage sex positive et qu’elle mette de côté des informations liées au plaisir ou à la diversité des pratiques : « La sexualité est vue comme essentiellement pénétrative, procréative, potentiellement dangereuse et forcément hétérosexuelle. Les orientations “minoritaires” comme l’homosexualité, la bisexualité ou l’asexualité ont peu leur place et on se limite à la prise de risque qui y est associée. Quant à la question du genre, s’il en est fait mention, c’est d’ordinaire sur un mode binaire en mettant l’accent sur la complémentarité. »

À l’heure de #MeToo, de la lutte pour l’égalité hommes-femmes mais aussi à un moment où 13% ds 18-30 ans rejettent la dichotomie homme/femme et le terme « non binaire » convient à 36% d’entre eux, la persistance d’un modèle éducatif essentiellement préventif et (hétéro)normatif pose de vrais problèmes. (...)

Comme le note David, professeur d’histoire-géo et d’éducation à la sexualité en collège-lycée : « Les questions de genre et d’orientation sexuelle sont intéressantes pour tout le monde : être cisgenre, c’est aussi une identité. » En outre, questionner les stéréotypes et les attentes sociales liées au genre et les déconstruire, c’est promouvoir l’égalité et le respect mutuel, c’est lutter contre le sexisme et la phobie des LGBT+.

C’est aussi cesser de mettre de côté les jeunes LGBT+ qui ne peuvent se retrouver dans une éducation où l’on préjuge de l’hétérosexualité et de la cisidentité des élèves. (...)

Comment, dès lors, se construire quand l’institution scolaire vous place à la marge, entretient des injonction à la conformité et des récits hétéronormatifs très forts ? Face à ce constat d’insuffisances d’ordres divers, comment améliorer les choses pour offrir aux enfants et aux ados une éducation à la sexualité adaptée, pertinente et inclusive ?
Des bâtons dans les roues

Sans doute faudrait-il d’abord examiner les freins. Il y a bien sûr les résistances extérieures à l’école. On a ainsi vu des levées de bouclier des associations traditionalistes qui invitaient les parents à retirer leurs enfants de l’établissement le jour de la séance d’éducation à la sexualité. On a également assisté à une campagne de désinformation de la Manif pour tous qui a été jusqu’à développer en 2017 un site qui prétend recenser les supports utilisés dans les établissements et où elle dénonce « une atteinte à la pudeur, à l’intimité, au respect des enfants et des jeunes par le ministère de l’Education nationale » et considère que « cette prétendue “éducation sexuelle” véritable incitation à la débauche, est un viol des consciences ». Il n’en a pas fallu davantage pour que les fake news se répandent : on apprendrait aux plus petits à se masturber, on voudrait que les garçons deviennent des petites filles et inversement, on ferait même l’apologie de la pédophilie…

Ce travail de sape, aussi violent et caricatural soit-il, n’est pas le seul frein. Il existe aussi, bien sûr, des réticences au sein des familles, soit pour des motifs religieux, soit parce qu’elles considèrent que l’éducation à la sexualité n’a rien à faire dans les écoles. (...)

Des freins idéologiques, il en existe aussi au sein des établissements. (...)

Au-delà, il existe des obstacles tout simplement institutionnels et pratiques, à commencer par le manque de temps

(...)
L’enseignant regrette également que les formations de formateurs au niveau des académies comme celle qu’il a reçue sont parfois très lacunaires et vectrices de clichés : « J’ai eu droit à des perles, souffle-t-il. On nous a dit que la transidentité était une mode et que la bisexualité n’existait pas. C’est terriblement dangereux de former des gens de cette manière : qu’est-ce qu’ils vont aller raconter à leurs élèves ? » (...)

Évaluer les pratiques, prendre en compte les problématiques rencontrées par les enfants et les adolescents dans leur quotidien, mieux former les enseignants et formuler des attentes plus claires et moins subjectives des enseignements à la sexualité seraient autant de manières d’aller vers une éducation qui vise non le contrôle, mais l’épanouissement des jeunes tout en garantissant leur sécurité et leur bien-être.