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Slate.fr
L’école malade de ses réformes
Article mis en ligne le 25 novembre 2018
dernière modification le 23 novembre 2018

L’absence de continuité des politiques scolaires handicape notre système, fatigue les profs et désoriente les familles.

Si l’actualité de l’éducation est toujours chargée, elle l’est vraiment beaucoup en ce moment. À la rentrée 2018, première année de service de Parcoursup, on a appris que la plateforme et le processus allaient être modifiés. Peu après l’annonce de la réforme du lycée général et technologique, du bac (pour 2021) et du lycée professionnel, la maternelle a été rendue obligatoire dès 3 ans, ce qui risquait de bouleverser le financement des écoles privées pour les communes. Communes qui venaient de revenir aux quatre jours d’école et non plus quatre et demi (dès 2017 ou en 2108). Faut-il rappeler que les règles avaient déjà été modifiées en 2013 ? C’était cinq ans avant, un laps de temps suffisamment réduit pour que des enfants aient connu deux changements de rythme dans leur scolarité, la précédente réforme datant de 2008.

Et puis, on s’est penché sur les querelles autour des futurs programmes du lycée. Pile pour les élèves qui avaient connu la réforme du collège nommée « Réforme 2016 », lancée par la précédente ministre en 2015 et qui n’aura pas survécu à 2017. (...)

Les responsables politiques continuent de réformer et de détricoter, à un rythme soutenu pour améliorer notre école. Mais pour quoi ? Pour améliorer le niveau des élèves ? Ceux qui évaluent notre système éducatif plaident pourtant pour une continuité. Éric Charbonnier, expert éducation à l’OCDE, en fait partie. C’est lui qui commente les données de l’étude Pisa (qui classe les pays selon la performance des élèves de 15 ans) et d’autres études connues des spécialistes (Timss se concentre sur les maths et les sciences, Pirls sur la lecture). Et les résultats ne sont pas très flatteurs pour notre école : le niveau des élèves décline, comparativement aux autres pays de l’OCDE.

« La France est un pays dans lequel on manque de hauteur sur les sujets éducatifs, déplore-t-il. L’intérêt de l’enfant comme la prise en compte d’éléments scientifiques rentrent moins en ligne de compte qu’ailleurs. Les systèmes plus performants sont plus stables. En France, le rythme de réforme est intense et concerne tous les étages du système. Maintenant c’est la maternelle. »

Changement perpétuel
Ce que l’on sous-estime totalement et dont on parle assez peu, c’est l’impact de ces changements réguliers sur les parents. Thaliane, mère de deux adolescents, a commencé à raconter cela sur Twitter. Elle a développé son récit à ma demande, et ça donne un peu le tournis :

« Quand mes enfants sont entrés en maternelle en 2006 et 2007, il y avait classe le samedi matin. Ça a duré deux ans pour mon fils, un pour ma fille. Et puis hop, quatre jours de classe. Ma fille a eu des APC [activités pédagogiques complémentaires, ndlr] en primaire. Pas son frère. Son frère a bénéficié du Rased [réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté] parce que nous étions en REP [réseau d’éducation prioritaire], et puis le maître qui l’avait aidé dans l’écriture a disparu, donc plus de Rased (qui impliquait un maître spécialisé).

En CM1, ma fille a connu le retour aux cinq jours. Un an à Paris, donc le mercredi matin. Un an à Lille, donc le samedi matin, pendant que son frère avait cours au collège le mercredi mais pas le samedi. Depuis deux ans, il est au lycée donc il a cours le samedi matin, mais plus sa sœur qui est au collège. Elle a aussi connu les NAP [nouvelles activités périscolaires]. Enthousiaste au début. Ennuyée comme un rat mort à la fin. En cours d’année, elle a compris que ce n’était pas obligatoire, ça a été la guerre pour qu’elle reste à l’école quand même...

Quant aux évaluations, mon fils a eu celles de CE1 et de CM2, mais ma fille n’a eu que celles de CE1.

Mon fils a eu la réforme du collège en 3e, ma fille en 5e. Donc il a commencé sa LV2 en 4e et sa sœur en 5e. Elle a aussi eu les EPI [enseignements pratiques interdisciplinaires de la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem, dont l’application n’est plus obligatoire]. La première année, sous la forme de deux fois une semaine. La deuxième année, ce n’était plus qu’une semaine. Cette année, il n’y a plus rien. C’est dommage, ma cadette espérait en refaire en 3e.

Mon fils a fait des préparations d’histoire de l’art de la 6e à la 4e. Mais comme il a eu la réforme du brevet en 3e, il n’a pas eu cette épreuve, et une soutenance de stage pour moitié en anglais a été improvisée. Sa sœur a gardé la soutenance de stage de son frère puisqu’elle fait son stage au même endroit. Ça ne lui servira pas : l’oral a changé, c’est désormais une préparation en groupe. (...)

Cette maman est militante à ATD Quart Monde et dit d’elle-même qu’elle est surinformée. Mais quid des parents les plus éloignés de l’école ? (...)

La réformite en éducation n’est pas seulement une maladie énergivore, elle s’avère également peu efficace en termes de changements réels. L’historien Antoine Prost s’est penché sur le sujet dans un livre qui fait référence, Du changement dans l’école. Les réformes de l’éducation de 1936 à nos jours, selon lequel les réformes continuelles aboutissent plutôt à une forme d’immobilisme. (...)

L’école serait-elle une chose trop sérieuse pour être confiée à des politiques ?