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Futura-Sciences
L’apiculture, une filière agricole d’élevage méconnue
Article mis en ligne le 19 mai 2013
dernière modification le 15 mai 2013

Abeilles et néonicotinoïdes sont deux mots couramment associés depuis quelques mois, au grand dam de Sophie Masurier, une apicultrice professionnelle que Futura-Sciences a pris soin de consulter. Oui, les pesticides constituent un problème majeur, mais ils en masquent d’autres. Mais au fait, pourquoi toujours parler de la filière apicole dans un contexte aussi sombre ?

Les populations d’abeilles déclinent en France, comme dans bien d’autres pays. En vingt ans, les pertes hivernales sont ainsi passées de moins de 10 %, un seuil qualifié de « normal », à plus de 30 %. En 2012, plusieurs études ont partiellement lié cette problématique à l’utilisation de pesticides de la famille des néonicotinoïdes. Les risques qu’ils présentent ont depuis été reconnus par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Les autorités européennes vont d’ailleurs restreindre leur utilisation à partir du 1er décembre 2013.

Dans ce contexte, Futura-Sciences a souhaité donner la parole à une apicultrice professionnelle, Sophie Masurier, du Gaec apicole de l’Estérel (Var), pour en savoir plus sur le regard qu’elle porte sur la situation actuelle, ainsi que sur l’écho donné au problème des pesticides. Selon elle, « il ne faut pas cultiver le catastrophisme dans les médias et ne parler de notre métier que dans ce contexte ».

Un détail qui a son importance est régulièrement oublié, car amateurs et professionnels se mélangent, mais « les apiculteurs sont des agriculteurs », nous rappelle Sophie Masurier, qui parle d’ailleurs de son cheptel lorsqu’elle évoque ses abeilles. « L’apiculture est une filière d’élevage à part entière. Nous produisons même l’un des derniers produits agricoles non transformés avant d’être vendus. […] Comme tous les produits naturels, notre miel subit des contrôles et doit être obtenu en respectant des normes. » (...)

Tous les éleveurs d’abeilles ne sont pas logés à la même enseigne. « Nous ne sommes pas dans une région où il y a énormément d’intoxications, mais les transhumants doivent faire attention. En revanche, il y a des régions de France où l’on constate des pertes 50 % par an. Dans ce contexte, le métier d’apiculteur est difficilement viable. » Certains chiffres parlent d’eux-mêmes, le nombre d’apiculteurs, aussi bien amateurs que professionnels, a baissé de 40 % entre 2004 et 2010, soit en seulement 6 ans (selon un audit de FranceAgriMer). (...)

Le problème des pesticides monopolise l’attention des médias, mais d’autres difficultés affectent pourtant les apiculteurs. Le cas du varroa, un acarien parasite d’abeilles, en est un bel exemple. En effet, il pose toujours problème dans de nombreuses fermes apicoles, bien qu’il soit arrivé en Europe depuis plusieurs décennies. « Nous n’avons pas de choix de molécules pour lutter, nous utilisons toujours les deux mêmes depuis le début, mais en alternance, pour essayer d’éviter l’apparition d’une résistance. Nous aimerions avoir des solutions pour réduire ce risque. (...)

Pour de nombreux jeunes, il devient tout simplement impossible de s’installer, suite à l’augmentation du prix des locaux et des terres agricoles. Cette problématique foncière n’est bien évidemment pas propre à la filière apicole, puisque tous les agriculteurs sont concernés. (...)

« L’interdiction des trois produits [clothianidine, thiamétoxame et imidaclopride, NDLR] nous soulage, mais cela ne résoudra pas tous nos problèmes. D’autres produits causent de la mortalité, seuls ou en association », nous a finalement confié Sophie Masurier. « Puisque nous avons du mal à prouver certaines choses, nous aimerions que de grandes zones de référence soient constituées durant deux à trois ans. L’usage de produits potentiellement toxiques y serait interdit, le temps de voir comment les populations d’abeilles évoluent par rapport à la situation passée. »

Sophie Masurier souhaiterait également que son métier soit mieux mis en valeur à l’avenir, que l’État encourage la recherche, notamment pour trouver des remèdes contre le varroa, et qu’il y ait plus de sécurité dans l’homologation des produits phytosanitaires.