
Nous, féministes et femmes de tous les genres, de toutes les divergences, de toutes les écoles, de toutes les sphères sociales et politiques, nous décidons aujourd’hui d’enterrer la hache de guerre et la géopolitique et de faire front dans un seul objectif : la vie et la liberté pour les Afghanes, l’ouverture de nos frontières et l’accueil inconditionnel de nos sœurs et de leurs familles.
Nous décidons, ensemble, de fermer nos oreilles à tous les arguments de la realpolitik, à tous les hommes – à commencer par notre président – qui trouveront toujours mille raisons de ne rien faire et de ne pas être le pays des droits des femmes, eux qui ont toujours trouvé des excuses pour ne pas être celui des droits de l’homme.
Nous décidons, ensemble, de clamer haut et fort : le cœur a ses raisons que la raison connaît. Nous affirmons que face au danger absolu du viol, de la soumission et de la mort, pour un pays qui se réclame des Lumières et de la démocratie, il n’y a pas d’autre choix que d’offrir l’asile sans conditions.
Nous décidons, ensemble, de faire front, car ce que nous voulons pour nous, la liberté et l’égalité, ne peut être gagné que si toutes le gagnent, sans distinction d’origine, de religion ni de frontières. Nous décidons que les mots des hommes qui veulent fermer la porte aux femmes afghanes ne nous font pas peur. Nous décidons qu’Emmanuel Macron ne parle pas en notre nom lorsqu’il évoque les Français qui s’inquiètent d’un « nouveau flux migratoire » : nous nous inquiétons au contraire qu’il n’ait pas lieu et que nos sœurs afghanes, et leurs proches, meurent égorgées, violées, massacrées en Afghanistan. Ou noyées, ou d’épuisement sur les routes dangereuses de l’exil. Ou ici, finalement, dans un bidonville.
Cela arrive déjà, et depuis des années, car, même avant la victoire des Talibans, chaque rejet de demande d’asile pour les Afghanes et Afghans qui en faisaient la requête, sous prétexte qu’ils n’étaient pas en danger, était déjà un mensonge et un déni de droits. Cela arrive déjà, parce que notre pays a préféré financer des soldats, des armes et une occupation, plutôt que des initiatives de développement des droits humains et l’accueil ici des personnes en exil.
Vingt ans après l’intervention militaire en Afghanistan, tous ceux qui ont eu le pouvoir en France sont au moins d’accord sur un point : la guerre a coûté très cher et n’a servi à rien.
(...) Une menace, ces femmes qui affrontent depuis toujours un obscurantisme que nos dirigeants prétendent combattre en agitant la peur, qui fait le jeu à son tour d’un autre obscurantisme, celui de l’extrême-droite ?
Nous, féministes et femmes, ne voyons pas un flux mais un afflux d’espoir. Nous ne sommes pas en guerre. Aux Talibans et à leur violence, nous exigeons que l’on oppose les seules armes qui vaillent, celles que certains n’appellent « valeurs de la République » que pour mieux les trahir. Le réalisme, c’est la devise inscrite au fronton des écoles mixtes : « Liberté, égalité, fraternité. »
Et si nos hommes politiques ne veulent pas s’emparer de la fraternité, s’ils ne sont pas capables de mettre de côté leurs oppositions comme l’avaient fait Sartre et Aron, alors c’est à nous de faire vivre la sororité internationale, de lancer de nouveau une vague solidaire, comparable à celle qu’a été #metoo, pour nos sœurs afghanes.
Ce que nous voulons, nous le voulons pour toutes. Mobilisons-nous pour l’accueil en urgence absolue des femmes afghanes, de leurs proches et des personnes des minorités de genre et d’orientation sexuelle. Pour des visas humanitaires en urgence absolue, et autant qu’il en sera demandé, pour l’assouplissement immédiat des conditions nécessaires au regroupement familial, pour la suspension immédiate des accords de Dublin et pour la délivrance de titres de séjour pour toutes celles qui sont déjà en France.
Puisque la comparaison avec la guerre du Vietnam est utilisée par tous les commentateurs politiques, alors le temps est revenu du réalisme en mouvement, celui qui a gagné en disant « L’amour, pas la guerre ».
L’accueil inconditionnel, pas la géopolitique mortifère et ses frontières.