
Des professionnels de la petite enfance lancent un cri d’alarme : avant 6 ans, la surexposition aux écrans nuirait gravement au développement cérébral. Un lien avec des formes d’autisme pourrait être établi. Pour l’heure, le ministère de la Santé se tait.
Une alerte sanitaire d’un nouveau type vient d’être lancée en France. Elle concerne l’impact d’une surexposition aux écrans sur le développement cérébral des jeunes enfants. Cette alerte sans précédent emprunte aujourd’hui des chemins de communication en périphérie des institutions officielles.
Ce fut tout d’abord une remarquable vidéo réalisée par le Dr Anne-Lise Ducanda, médecin de la Protection maternelle et infantile du département l’Essonne : « Les écrans un danger pour les enfants de 0 à 4 ans ». Vingt-et-une minutes durant lesquelles le Dr Ducanda lance, calmement, pédagogiquement, une alerte essentielle. Une vidéo à partager, à diffuser, dans laquelle cette spécialiste fait part de son expérience et fait le lien avec les « troubles du spectre autistique » et les « troubles envahissant du développement ». (...)
« Depuis quelques années, je vois des enfants dès l’âge de 3 ans avec moins d’une dizaine de mots à leur vocabulaire. Récemment, il y a eu un nouveau glissement avec l’arrivée de petits dès l’âge de 2 ans et demi qui ne sont pas du tout dans la communication. Ils se comportent comme des enfants un peu “sauvages”, dans leur bulle, comme s’ils n’avaient pas eu l’habitude d’être en relation avec une autre personne. » (...)
« S’inquiéter de ce phénomène, alerter les parents et les pouvoirs publics ? Mais bien évidemment, a déclaré à Slate.fr le Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions. Nous savons que plus les premiers usages ou abus sont précoces plus les risques de dépendances sont au rendez-vous, qu’il s’agisse de l’alcool, du cannabis ou de la fréquentation des travailleuses du sexe… D’autre part, la neuro-excitation incessante produite par ses écrans ne peut que “plisser” les cerveaux de façon durable. Enfin, les écrans à la place des parents ou de la nounou ne peuvent que limiter le développement, l’apprentissage de l’altérité. Il en va de même pour l’endormissement avec les mêmes films revus mille et une fois. Comment développer une pensée libre quand elle est toujours occupée ? Le trop plein d’écrans chez les tout-petits façonnent un nouveau cerveau humain ; un cerveau certes hyperconnecté mais un cerveau déshumanisé. » (...)
Pour l’heure, en dépit de l’ampleur des enjeux, les pouvoirs publics français n’ont étrangement pas réagi à la mobilisation des professionnels. Seule la corrélation établie par le Dr Ducanda entre une surexposition précoce aux écrans et les « troubles du spectre autistique » a suscité des réactions vives et critiques de la part de certains scientifiques. (...)
Pour leur part, le Dr Ducanda et ses confrères souhaitent le lancement de nouvelles études scientifiques qui pourraient valider sa piste d’un lien entre l’augmentation du nombre d’enfants diagnostiqués victimes de troubles du spectre autistique et l’omniprésence des écrans. Dans l’attente, ils dénoncent la position de la vénérable Académie des sciences. Dans un avis remis en 2013 au gouvernement, cette dernière vantait les mérites des écrans sur le développement sans s’inquiéter outre mesure des risques d’une surexposition précoce.
Quatre ans plus tard le gouvernement a changé. Le Dr Ducanda et les professionnels inquiets estiment qu’il y a désormais urgence. Selon eux, des campagnes nationales doivent être menées –en se préservant des conflits d’intérêts avec l’industrie du numérique et de l’audiovisuel. On comprendrait mal qu’en écho aux priorités du président Macron sur la prévention Agnès Buzyn, nouvelle ministre des Solidarités et la Santé ne fasse pas de ce sujet une ardente priorité.