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L’adage « Don’t feed the troll » ne fonctionne pas toujours
Article mis en ligne le 5 février 2017
dernière modification le 1er février 2017

Plusieurs cas de harcèlement récents permettent de réfléchir au trolling homophobe et sexiste qui sévit sur Internet

Plusieurs cas de harcèlement récents permettent de réfléchir au trolling homophobe et sexiste qui sévit sur Internet

Cet article est tiré de la newsletter hebdomadaire « Slate X Titiou ». Pour vous abonner c’est ici.

Ces derniers temps, trois cas de harcèlement ont retenu mon attention.

Flo Marandet, prof d’espagnole, la trentaine, mariée, militante féministe active sur les réseaux sociaux. En juillet dernier, elle commence à recevoir des messages d’insultes, appels au viol et tout le toutim. On appelle ça, « le Classico ». Elle décide de les ignorer selon l’adage qui veut qu’on ne doit pas nourrir le troll, autrement dit lui accorder la moindre attention. Ça se calme certains jours mais ça finit toujours par redémarrer. Au bout de cinq mois de harcèlement, elle change alors de stratégie et décide de porter plainte. Elle l’annonce sur sa page Facebook. En l’apprenant, les agresseurs franchissent allègrement plusieurs degrés dans l’intimidation pour qu’elle retire sa plainte. D’abord, les menaces redoublent. Exemple : « Hé si tu lis ce message salope, fais attention à toi, ici on n’a rien à perdre tu vois. Si y’a un mec qui chope ton adresse, tu risques de prendre cher alors je te conseil vivement de retirer tes menaces futiles sur Facebook éspèce de trainée, on n’a peur ni de la justice ni de toi. »

Ensuite, ils la dénoncent pour propos antisémites (qu’elle n’a jamais tenus évidemment) auprès de la Licra qui ne tombe pas dans le panneau. Ils contactent alors le collège où elle travaille pour la dénoncer. Elle serait antisémite, elle pénaliserait les garçons, elle tiendrait des propos militants en cours etc. Ils contactent également le rectorat, et même des parents d’élèves. Elle n’a pas retiré sa plainte mais elle est terrorisée. Elle vient d’obtenir 8 jours d’ITT et une prescription d’anxiolytiques. La journaliste de LCI qui a publié un article sur cette affaire a elle-même subi un déferlement de promesses de viols.

Caroline de Haas, également militante féministe. En janvier 2016, elle est aussi victime de messages d’insultes, appels au viol, menaces. 200 messages par minute. (...)

Qu’en penser ?

1°) On notera que ces individus homophobes et sexistes prônent un retour de l’autorité (valeur à leurs yeux virile) mais qu’une fois devant la justice, ils demandent de l’indulgence.

2°) Porter plainte, ça coûte. Pas mal de fric. Et de temps. Et de risque de menaces supplémentaires.

3°) L’adage du vieil internet « don’t feed the troll » ne fonctionne pas toujours. Ne pas répondre aux harceleurs, c’est bien mais le simple fait d’exister publiquement peut suffire à les alimenter (comme dans le cas de Ian Brossat dans la mesure où ses fonctions électives le mettent à la lumière). En fait, quand on parlait de ne pas nourrir les trolls c’était quand ils vous interpellaient sur un point précis d’argumentation. Pas parce que le simple fait qu’un homosexuel soit élu est insupportable pour eux. Là, ce qui les nourrit c’est l’existence même de l’autre. « Don’t feed the troll » n’est donc plus adapté à certains cas actuels.

4°) Il faudrait sortir de « l’exemple ». Dans les cas de Caroline de Haas et Ian Brossat, ils ont choisi les messages les plus violents mais il existe une dynamique de foule qui est passée sous silence. D’abord, du côté de la victime. Ce n’est pas la même chose de recevoir un message d’insulte et une cinquantaine. On change d’échelle et par là même de nature (...) il y a une forme d’action collective qui devrait être une circonstance aggravante. (...)

5°) Vous vous souvenez quand on parlait du courage de Simone Veil défendant sa loi sur l’IVG alors qu’elle recevait des tombereaux d’insultes, la comparant elle, l’ancienne déportée, aux nazis ? Désormais, n’importe qui peut subir cette violence, sans y être préparé/e. Je vous conseille ce papier de Buzzfeedsur quoi faire en cas de cyberharcèlement, si vous êtes victime ou témoin. Mais on ne va pas se mentir, on n’a pas trouvé la solution. (...)

6°) La décision de Facebook et Twitter de ne rien faire dans le cas de Caroline de Haas est d’une irresponsabilité dangereuse. Ce qui me rappelle cet autre article passionnant sur pourquoi Twitter gère si mal les cas de harcèlement.

7°) Je reste une totale partisane de la liberté d’expression mais ce n’est pas le sujet. Dans tous ces cas, il y a eu interpellation des victimes. Autrement dit, les harceleurs ne se contentaient pas d’émettre une opinion, ils se servaient de fonctionnalités des réseaux leur permettant de notifier aux victimes les insultes (le principe du @). Cet usage devrait en lui-même être pris en compte par la justice. (...)