Lors du premier confinement, l’interdiction d’accéder aux espaces naturels a été vivement contesté. Avec le reconfinement, les mêmes restrictions s’imposent, sans considération des bénéfices pour la santé des promenades dans la nature.
Avec le reconfinement commencé vendredi 30 octobre, la question de l’accès aux espaces naturels se pose à nouveau. Au printemps dernier, l’enjeu avait suscité de vifs débats dans la société française. Une pétition lancée sur Reporterre « pour un accès responsable à la nature » avait récolté plus de 160.000 signatures. De nombreux parlementaires, dont l’ancienne ministre de l’Environnement Delphine Batho, s’en étaient faits les défenseurs. Ils soulignaient que la privation de nature pouvait avoir des conséquences néfastes sur le moral et la santé des Français et qu’une promenade solitaire, en plein air, ne risquait en aucun cas de propager le virus.
Jeudi 29 octobre, au cours de sa conférence de presse, le Premier ministre, Jean Castex, a assuré que « les modalités et les contours de ce nouveau confinement ne seront pas ceux de mars ». Les parcs et les jardins resteront, en effet, ouverts. La population urbaine, habitant à proximité d’un espace vert pourra bénéficier d’un bol d’air et échapper, un temps, à l’enfermement dans des habitats parfois exigus et étouffants. Le Premier ministre a ajouté que « les forêts et les plages ne seront pas fermées ». Localement, les préfets ne pourront donc plus alimenter la surenchère qui avait frappé la France en mars dernier, où une vingtaine de départements avaient interdit l’accès aux bois, aux chemins de randonnée, aux pistes cyclables ou même aux berges de canaux.
Lors de son discours, Jean Castex a cependant rappelé que certaines règles restaient identiques. Pour pouvoir sortir, les Français doivent se munir d’une attestation. Ils ne peuvent pas dépasser pour leur loisir un rayon d’un kilomètre autour de leur domicile et une durée d’une heure. L’annonce a créé de nouvelles polémiques. À quoi bon ouvrir les forêts, les montagnes et les plages si c’est pour en limiter l’accès aux seuls riverains et avec autant de contraintes ? Qui sera véritablement concerné ? (...)
« On continue à ouvrir les lieux scolaires qui sont potentiellement des foyers de contamination mais on interdit de s’éloigner à plus d’un kilomètre de chez soi »
« Encore une fois, le gouvernement est dans une forme de précipitation et d’improvisation. Vu qu’il n’a pas anticipé la seconde vague, il privilégie des mesures simples et rapides mais profondément discriminatoires et inégalitaires », analyse Billy Fernandez. Ce guide de haute montagne est à l’initiative de la pétition publiée par Reporterre au printemps. « Nous sommes déçus et en colère, nos arguments n’ont pas été entendus, regrette-t-il. En cette période de pandémie, il serait pourtant logique de pouvoir se disperser dans les espaces de nature plutôt que de se concentrer dans les lieux à forte densité. »
Dans une lettre écrite en début de semaine à Jean Castex, il demandait à l’exécutif « de tirer les leçons du confinement du mois de mars », et rappelait « les effets délétères d’un confinement sans sortie possible dans la nature », contribuant à augmenter les dépressions, la sédentarité et les comportements d’addiction. De nombreux scientifiques et médecins ont également démontré l’apport bénéfique d’un contact avec la nature pour renforcer notre système immunitaire, diminuer le stress et l’anxiété. Certains chercheurs affirment même qu’une dose quotidienne de nature peut prévenir et traiter de nombreux troubles médicaux. (...)
le philosophe Dominique Bourg ne comprend pas non plus cette logique : « À l’étranger, en Allemagne ou en Suisse, au contraire, on pousse les gens à sortir ! On les encourage à faire du sport sans limitation de distance. On les responsabilise. Les autorités leur demandent simplement de ne pas se promener à plus de cinq personnes et de ne pas faire d’activités dangereuses afin d’éviter de saturer les hôpitaux. » (...)
Cette semaine, l’annonce d’un reconfinement avec la même règle du 1 kilomètre a suscité de l’émoi jusque dans l’hémicycle. Jeudi 29 octobre, Bertrand Pancher, le député de la Meuse, coprésident du groupe Libertés et territoires, a fustigé « le manque de concertation » du gouvernement et une politique avant tout pensée par des technocrates urbains (...)
Billy Fernandez compte donc repartir à la bataille. « Nous allons relancer la pétition. Elle continue d’ailleurs de circuler. On a eu 4.000 signataires supplémentaires depuis les annonces du reconfinement, précise-t-il. Aujourd’hui, les gens sont abasourdis, choqués par les attentats et la reprise de la pandémie. Mais nul doute que dans les prochains jours, quand ils seront coincés chez eux, ils vont à nouveau se mobiliser. Nous avons besoin de pouvoir respirer et de nous ressourcer dans la nature pour affronter cette période difficile. Il faut autoriser un accès encadré aux espaces naturels de proximité dans le strict respect des gestes barrière », dit-il.