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Le monde
L’absence d’espoir déchaîne la colère sociale en France
Par Dominique Méda (Directrice de l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales de l’université Paris-Dauphine)
Article mis en ligne le 28 mai 2016

Quel paradoxe ! Alors même que l’un des principaux objectifs de la loi El Khomri était, nous disait-on, d’améliorer le dialogue social, la France est à feu et à sang. Alors qu’il restait encore un an au président de la République et à l’équipe gouvernementale pour fabriquer un semblant d’unité de la gauche, cette dernière est en miettes, et la division syndicale plus profonde que jamais.

Alors qu’il était encore possible, une année avant les échéances, d’organiser de façon raisonnable une primaire des gauches et des écologistes au cours de laquelle les candidats auraient pu présenter un programme ambitieux de sortie de crise, voire simplement rendre des comptes, une partie de la gauche semble avoir adopté comme seule ligne de bataille, l’idée selon laquelle, avec cette dernière, le détricotage de notre modèle social sera un peu moins radical.
Entre Charybde et Scylla

Comment s’étonner, dès lors, que le désespoir saisisse un nombre toujours plus grand de nos concitoyens. Ils ont désormais le choix entre Charybde (licenciements facilités, travail du dimanche, coupes budgétaires dans les dépenses pour la recherche et l’enseignement supérieur pourtant présentées comme le nerf de la guerre…) et Scylla (centaines de milliers de fonctionnaires non remplacés, réductions drastiques des dépenses publiques, réécriture du Code du travail…).

Les causes ne sont pas évoquées : le rôle de la financiarisation ; la réduction des bases sociales et fiscales qui permettent de financer notre Etat social ; le refus des entreprises d’assurer la fonction d’employeur et les obligations qui s’y attachent ; l’obsession de rentabilité qui met les salariés et les entreprises sous pression ; la profonde transformation du système productif désormais dominé par des groupes… Le débat politique ressemble de plus en plus à une mise en scène d’où les vraies questions sont exclues, et où le Front national peut, de ce fait, apparaître comme le seul à apporter des réponses nouvelles.

L’absence d’espoir est le pire poison. Et c’est elle qui déchaîne aujourd’hui la colère. Car nous devons faire face à trois grands maux devenus chroniques. D’abord, bien sûr, le chômage, qui détruit les individus et dont les conséquences dramatiques n’ont pas été suffisamment prises au sérieux. Ensuite, et les deux vont intimement ensemble, la dégradation des conditions d’exercice du travail. De plus en plus de nos concitoyens sont au bout du rouleau mais n’osent s’en plaindre tant le fait d’avoir un travail semble être devenu un luxe. Enfin, l’absence de promotion, d’horizon ou le déclassement, notamment pour les populations d’origine immigrée, mais aussi pour de nombreuses familles modestes qui n’accèdent pas aux bonnes écoles ou à l’emploi.
Immense déception

Si nous voulons échapper à la balkanisation de notre société, il est urgent de dessiner une alternative qui romprait avec les discours purement économiques. (...)