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L’Etat essaye d’étouffer une grande association bretonne de nature
Romain Ecorchard est juriste de l’association Bretagne vivante.
Article mis en ligne le 7 septembre 2016
dernière modification le 6 septembre 2016

L’agrément « protection de l’environnement » permet notamment aux associations d’agir en justice. L’auteur de cette tribune, membre de Bretagne vivante, raconte comment la réforme de l’obtention dudit agrément a précipité son association dans un labyrinthe administratif ubuesque.

À l’issue du Grenelle de l’environnement, une réforme de l’agrément des associations de protection de la nature a été mise en place par le gouvernement. Elle obéissait à l’objectif de mettre fin à des agréments qui avaient perdu leur pertinence. Avec le temps, certaines associations agréées ont vu leurs activités évoluer, ou disparaître, et ne plus être liées principalement à la protection de la nature. La réforme était également accompagnée d’une clarification des compétences administratives et de la définition des territoires d’action des associations. Désormais, l’agrément doit être renouvelé tous les cinq ans, peut être abrogé si l’association n’a plus d’activité notable pour la protection de l’environnement, et doit être accordé dans un cadre départemental, régional ou national.

L’administration a fait de cette modification des règles territoriales une lecture particulière dont l’association Bretagne vivante, parmi d’autres, a fait les frais. (...)

Le préfet du Finistère a renouvelé l’agrément de l’association pour la région Bretagne, mais a transmis la demande de l’association en ce qu’elle portait sur la Loire-Atlantique au préfet concerné. Or, le préfet de la Loire-Atlantique s’est déclaré incompétent pour délivrer l’agrément départemental à cette association, au motif qu’elle n’a pas son siège social dans son département. Impossible, avec cette implacable logique, de ne pas avoir en tête le dessin animé qui montrait Astérix et Obélix tourner en rond face à une administration qui les renvoie de guichet en guichet. (...)

Une première action en justice contre la décision du préfet de Loire-Atlantique est alors engagée devant le tribunal administratif de Nantes. Le tribunal donne raison à l’association et estime que, dépassant le cadre d’une région, la demande de l’association doit être instruite au niveau national. Il enjoint alors au préfet de Loire-Atlantique de transmettre la demande au ministère de l’Environnement.

Sauf que le ministère de l’Environnement refuse également six mois plus tard de délivrer un tel agrément à l’échelon national. Il estime qu’une association qui n’agit pas sur l’ensemble du territoire national n’a pas à bénéficier d’agrément à un tel niveau territorial. (...)

Le Conseil d’État a fait son travail de sape

Le tribunal administratif de Paris a finalement décidé le 27 juin 2016 de rejeter la demande de l’association Bretagne vivante, en dépit de conclusions favorables du rapporteur public (magistrat chargé de donner son avis sur l’affaire). En effet, entretemps, le Conseil d’État a fait son travail de sape en affirmant que l’autorité administrative peut tenir compte du fait qu’une association n’exerce pas son activité sur une partie significative d’un territoire pour rejeter la demande d’agrément.

À la suite d’un appel et d’un pourvoi du ministère de l’Environnement et une défense mordicus de ce principe, le Conseil d’État s’est placé en gardien des convenances administratives, mettant ainsi fin au principe qui avait présidé à une série de décisions de justice qui annulaient des refus administratifs fondés sur ce motif, et ont parfois accordé d’office des agréments à plusieurs associations.

Ainsi, les associations devraient désormais défendre l’environnement dans le cadre de territoires prédécoupés en départements ou régions, au détriment des territoires écologiquement ou historiquement pertinents. Cela en dit long de la conception administrative de la protection de la nature, qui par de petits reculs, prend le pas sur la réalité écologique défendue par le mouvement associatif.