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Slate.fr
L’Éducation nationale est-elle gouvernée par des despotes ?
Article mis en ligne le 13 octobre 2018

Démissions en cascade au CSP, détricotage des réformes, revirements inattendus : des voix de plus en plus nombreuses dénoncent l’absence de débat sur les réformes éducatives.

L’éducation est-elle une dictature plus ou moins éclairée, dirigée par des ministres qui réforment selon leurs convictions propres ? La politique scolaire est-elle influencée par les visions des présidents de la République et de leurs conseillères et conseillers, dont personne ne connaît le nom ? Oui, à bien des égards, et le phénomène se renforce.

Le 30 septembre, Marie-Aleth Grard, vice-présidente de l’association ATD Quart Monde, a annoncé sa démission du Conseil supérieur des programmes (CSP). « On ne peut plus discuter au CSP », dénonçait-elle, en accusant la nouvelle présidence de mépriser les élèves venant de milieux défavorisés. (...)

Le Conseil supérieur des programmes traverse une période agitée : en un an, trois membres ont claqué la porte. Son ancien président, Michel Lussaut, a fait le choix de partir en septembre 2017, quelques mois après l’entrée en fonction de Jean-Michel Blanquer. Les deux autres départs témoignent également d’une hostilité aux visions du ministre et de la nouvelle présidente du CSP, la philosophe Souâd Ayada, dont les idées en matière d’éducation, que l’on peut qualifier de conservatrices, sont à l’opposé de celles de son prédécesseur.

Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des lycées et collèges (SNALC), qui s’est beaucoup opposé à la ministre précédente, Najat Vallaud-Belkacem, relativise : « Oui, bien sûr, il y a des différends d’ordre idéologique. Ça a déjà été le cas auparavant, Annie Genevard [députée Les Républicains] avait par exemple démissionné. Nous, au SNALC, on a eu l’impression de pouvoir dialoguer avec cette présidente. »

De fait, les positions du SNALC sont davantage Blanquero-compatibles que celles du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES), majoritaire et de gauche. Preuve en est que les débats éducatifs sont bien connectés à la politique.

Instances consultatives décoratives

Reste qu’aujourd’hui comme hier, les syndicats ne sont pas consultés dans des conditions convenables. L’ensemble des organisations syndicales et des associations disciplinaires sont entendues du mercredi 19 septembre au mercredi 10 octobre 2018 sur le « Nouveau lycée », mais le ministère n’a pas communiqué les projets de programmes.(...)

Le Conseil supérieur des programmes s’apprête donc à voter des programmes que personne ne peut lire, et autour desquels la communauté éducative n’est pas en mesure de faire des propositions. (...)

« Cet autoritarisme est simplement le reflet du mode de fonctionnement de l’Éducation nationale : la guerre idéologique. »

Jean-Sébastien, enseignant de collège

Visions et agendas
Avant même d’avoir pu consulter les programmes du lycée, on sait que le ministre de l’Éducation fait preuve d’un certain dirigisme. Ses ordonnances sur l’apprentissage de la grammaire ou des mathématiques à l’école élémentaire ont fait grincer quelques dents : un ministre donnant des indications pédagogiques précises au personnel enseignant, c’était une première.

La conception actuelle des programmes et la manière dont la transmission doit s’effectuer en classe semblent découler d’une vision que l’on pourrait qualifier de traditionnelle de l’école. Les dictées, la grammaire « à l’ancienne » et les programmes d’histoire recentrés sur le « récit national » prônés par Souâd Ayada trouvent un écho favorable chez Causeur ou le Point.

Que l’on apprécie ou non tel ou tel programme, que l’on déteste ou que l’on admire l’actuel ministre, ces débats et contestations posent la question du lien entre l’école et le politique.

Certains éléments mis en musique par Jean-Michel Blanquer étaient bien présents dans le programme d’Emmanuel Macron. (...)

Pour les réformes de l’éducation comme pour celles de chaque ministère, la politique se fait suivant un agenda orchestrant des idées qui ne sont pas forcément débattues. Prenons l’exemple de la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem : le ministère a semblé décider seul et la réforme a été mal accueillie ; les décisions ont été mal appliquées, puis tuées au changement de majorité.