
Depuis trois mois, des travailleurs contractuels de la prestigieuse École normale supérieure, située rue d’Ulm, à Paris, sont en grève. Les raisons de la colère de ces agents chargés de la restauration et du ménage : des conditions de travail dignes des pires entreprises privées, avec des contrats à durée déterminée (CDD) à la chaine et des salaires bloqués. Le tout assorti de fréquentes insultes et agressions physiques.
Soutenus par une cinquantaine d’étudiants, les grévistes ont durci le ton le 28 mars, en occupant les locaux de la Présidence.(...)
Restauration et nettoyage ne sont pas les seuls secteurs de l’établissement touchés par la précarisation. François, professeur titulaire à la bibliothèque, constate que depuis 10 ans, le nombre de personnes contractualisées a énormément augmenté. Certains des précaires de ce service participent à la lutte en cours. Ils ne se satisfont pas des primes, CDD et CDI accordés en 2009. « Un CDD n’offre pas de garanties suffisantes pour obtenir un logement ou un prêt », rappellent les salariés dans un communiqué daté du 30 mars.(...)
Ils tiennent aussi à préciser que les CDI ne doivent pas se substituer à la titularisation, qui permet aux salariés de devenir fonctionnaires.(...)
Mais dans l’enseignement supérieur, et dans l’esprit de la dernière « Loi Responsabilité des Universités », l’heure est plutôt à l’externalisation des emplois. À l’image du recours croissant des chargés de cours non-universitaires, employés comme vacataires en CDD. L’objectif, c’est de favoriser les fonctionnaires catégorie A au détriment des catégories B et C pour remplacer ceux-ci par des emplois extérieurs. Constat amer du cégétiste Edouard : « en plus de virer deux personnes, ça permet de supprimer un poste ».(...)
Cette montée au front d’agents contractuels reste inédite dans l’antre du savoir, plutôt habituée à une certaine omerta. « Avec leur grève, ils ont brisé des tabous dans cette école », remarque Samuel, un normalien. Heurté par les conditions de vie de ces travailleurs précaires, il fait partie du noyau solidaire qui luttent aux côtés des grévistes.(...)
Les occupants de l’étage de la direction se sentent méprisés par leur hiérarchie. « On a fait une manif au ministère, on nous a envoyé les CRS », s’énerve un gréviste. Ce qui intéresse la directrice, ce sont d’abord les normaliens, ensuite les chercheurs, le reste elle s’en fout ». Saisi par l’ENS, le tribunal administratif a déclaré illégale l’occupation des locaux de la direction et a ordonné leur évacuation. Cinq occupants sont contraints de payer une amende de 50 euros chacun par jour occupé, à compter du 11 avril. La répression comme réponse aux revendications ?(...)
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