Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
infomigrants
Italie : l’âpre combat de l’ONG Baobab Experience pour aider les migrants
Article mis en ligne le 23 mai 2020

"Les choses n’ont pas été faciles ces derniers temps", nous dit Andrea Costa, avec une certaine résignation dans la voix. À l’heure où l’on réalise cette interview avec l’un des fondateur de l’ONG romaine Baobab Experience, l’Italie émerge lentement du plus long confinement décrété en Europe pour lutter contre la pandémie de coronavirus. (...)

Pendant deux mois, la centaine de migrants qui dorment dans les rues autour de la gare Tirburtina à Rome ont continué à dépendre de l’aide de Baobab pour trouver de quoi manger et garder un semblant de lien social.
"Cela a été une sorte de vide total pour eux", explique Andrea. La plupart des migrants dont s’occupe Baobab Experience espèrent se rendre dans d’autres pays, que ce soit la France, l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore le Royaume-Uni. "Ils voient l’Italie comme un pays de transit", précise Andrea. Mais depuis la fermeture des transports en commun et l’appel à rester confiné chez soi, ces personnes se retrouvent dans l’impossibilité de poursuivre leur route. Cette situation de blocage a été d’autant plus compliquée à vivre que la plupart des associations et organisations d’aide ont été contraintes de fermer leurs portes ou de réduire leur activité.
Avec la "crise des réfugiés", environ 35 000 personnes sont arrivées dans la capitale italienne. Et comme beaucoup n’étaient que de passage, ces migrants ont, selon Andrea, été "ignorés par les autorités". (...)

Les volontaires de Baobab Experience ont refusé de les ignorer. Depuis sa création, cette association a aidé plus de 90 000 migrants. (...)

En semaine, Baobab leur distribue deux repas par jour, le petit-déjeuner et le diner. Le week-end, lorsque davantage de bénévoles sont disponibles, la distribution passe à trois repas par jour. Au-delà de la distribution de nourriture, Baobab assure un "service à 360 degrés", explique Andrea. L’association travaille avec des organisations caritatives, des bénévoles et des militants à travers l’Italie et l’Europe et oriente des migrants vers la bonne adresse pour les soins médicaux, les conseils juridiques ou encore pour trouver un accueil social. (...)

Avant le confinement, Baobab proposait même une offre culturelle (...)

Pour expliquer aux migrants qui dorment autour de la gare Rome-Tiburtina ce qu’est le coronavirus et comment s’en protéger, Baobab produit des dépliants en autant de langues que possible. "Mais honnêtement, le coronavirus est le dernier de leurs soucis", assure Andrea. "Ils ont déjà traversé tant de choses - des tortures, des viols et toutes sortes de choses horribles - que c’était une mission très compliquée d’expliquer à quelqu’un qui dort dans la rue l’obligation de porter un masque et des gants ainsi que la la nécessité de se tenir à distance des autres". Justement, les règles de distanciation ont posé bien des problèmes : "L’interdiction de se réunir en groupes n’a pas facilité la distribution de nourriture à 120 personnes". (...)

Actuellement, explique Andrea, tous ceux qui dorment dans le camp informel derrière la gare de Tiburtina sont des hommes.
Lorsqu’une femme s’y présente, des bénévoles tentent de la réorienter immédiatement vers une association qui peut lui offrir une possibilité de dormir en sécurité. Si ce n’est pas le cas, Baobab réunit les fonds nécessaires pour financer un logement temporaire. (...)

Baobab est "habitué à fonctionner dans l’urgence mais cette crise a créé une situation de double urgence". (...)

Pour Andrea Costa, les pensées d’extrême-droite sont entrain de remporter la bataille culturelle dans le pays, avec une rhétorique anti-migration qui s’est de plus en plus répandue ces dernières années. Parler d’une "invasion" et tenter de créer l’impression que l’Italie et l’Europe sont "assiégées" est tout simplement un déni de la réalité. "Même les jeunes Italiens quittent le pays parce qu’il n’y a pas assez d’emplois sérieux. Les migrants ne sont pas stupides, ils réalisent très rapidement qu’il n’y a pas grand chose pour eux ici et ils font donc tout ce qu’ils peuvent pour partir". (...)

"Nous devons prendre un virage à 180 degrés. Il y a toujours eu de l’immigration et il faut l’accepter." Les migrants représentent actuellement "quelque chose comme 0,3 % de la population européenne, c’est rien." Pour lui, il s’agit simplement "de construire des liens entre les gens et de considérer les migrants comme des être humains, pas simplement comme des numéro ou des étrangers".