
Je suis militante féministe depuis 1974. Ce dont je parle, je l’ai vécu de près ou de plus loin. Actrice souvent, témoin toujours. Dans la période actuelle de renaissance, mutation, bouleversement, recomposition du mouvement féministe, où la transmission est un enjeu vital, il fallait prendre la plume.
Ce livre est structuré autour de trois colloques organisés par le Collectif national pour les droits des femmes dont je suis l’actuelle porte-parole avec pour thèmes : en 2010, pour les 40 ans du Mouvement de libération des femmes (MLF) : « Faire et écrire l’histoire : féminisme et lutte de classes de 1970 à nos jours » ; en mai 2018, pour les cinquante ans de Mai 68, « 1968-2018 les MaiS des féministes… luttes des groupes femmes d’entreprises et des commissions syndicales » ; en août 2018, « Féminisme lutte de classes et antiraciste, consubstantialité, intersectionnalité, retour aux origines et où en sommes-nous ? »
Ce livre n’est cependant pas à proprement parler des « actes » des trois colloques mais ceux-ci servent d’appui à l’écriture d’une histoire.
Une histoire malheureusement très peu écrite, trop souvent éludée, éclipsée, même parfois par d’autres féministes dans des livres ou des expositions : celle du féminisme lutte de classes. Rares sont les livres d’histoire par exemple qui mentionnent les États généraux pour le travail des femmes de 1982 où pourtant il y avait 2 000 femmes, ou la manifestation féministe sur la réduction du temps de travail de 2000. L’histoire du mouvement ouvrier attire, celle de l’articulation entre la lutte féministe et la lutte des classes est passée sous silence la plupart du temps.
Mais pourquoi cette invisibilisation ?
N’être qu’actrice de l’histoire se paye par le danger de l’enfouissement, danger que nous ne pouvons pas nous permettre de courir car l’écriture de l’histoire est un enjeu politique. (...)
Ce n’est pas une parole « officielle » des directions des différentes structures qui s’exprime ici, mais celle de militantes féministes qui se sont battues pour faire partager leur combat à l’intérieur de leurs diverses organisations, syndicats et partis. Et qui se considéraient comme partie intégrante du mouvement féministe, suivaient ses discussions, mots d’ordre et initiatives. Elles ont « évolué » – c’est-à-dire changé – en se confrontant au mouvement et ont pu se trouver par moments en conflit de légitimités, à devoir gérer des contradictions. Mais il me semble qu’elles ont essayé de ne pas « brader » les « intérêts » du mouvement au profit de ceux de leurs organisations. Même si ceci fut relativement ardu par moments. (...)
Suzy Rojtman (dir.) : Féministes ! Luttes de femmes, lutte de classes
Editions Syllepse, Paris 2022, 360 pages, 20 euros
https://www.syllepse.net/feministes-_r_22_i_941.html
Présentation le mercredi 18 janvier 2023 à 19h à la Bourse du Travail
3 rue du Château d’Eau, 7010 Paris, métro République, salle Varlin.