
Lorsqu’il y a une dizaine d’années, la Cour pénale internationale (CPI) est entrée en activité, les organisations de défense des droits de l’homme ont applaudi. C’était, leur semblait-il, leur victoire dans le combat contre l’impunité des auteurs des crimes les plus abominables. L’optimisme moral triomphait de la vision cynique et désenchantée des relations internationales. L’analyse de l’action de la Cour depuis sa création suggère cependant que la Realpolitik s’appuie désormais sur la « Realjuridik ». Les Etats ont su transformer la CPI en un nouvel outil diplomatique qu’ils utilisent ou délaissent selon leurs intérêts du moment.
la Cour est utilisée, puis délaissée, selon les intérêts changeants des Etats. Les câbles diplomatiques révélés par WikiLeaks en témoignent.
Ainsi, si le gouvernement britannique a joué un rôle essentiel dans la saisine de la CPI pour les crimes commis dans la région du Darfour au Soudan, on découvre qu’il était cependant prêt à freiner son action si le bénéfice politique s’avérait suffisant. Un câble diplomatique précisait que c’était « une carte qu’il ne faudrait pas vendre trop bon marché ».
Le même câble affirme :
« Bien que le gouvernement britannique ne le reconnaîtrait pas publiquement, la Grande-Bretagne fait son maximum pour demeurer flexible sur l’action de la CPI au Soudan. » (...)
Il ne s’agit pas ici de prétendre que les personnes inculpées par la CPI sont innocentes - leur éventuel procès le déterminera - mais de souligner que la justice internationale modifie les rapports de force en créant des gagnants et des perdants. Les gouvernements ont parfaitement assimilé cette réalité, et régulent leur degré de coopération avec la Cour selon leurs intérêts.
Il serait cependant réducteur de ne voir dans la CPI qu’un organe instrumentalisé par les acteurs politiques. Ou de dénoncer le fait qu’après une dizaine d’années d’existence et près d’un milliard de dollars dépensés, pas un seul jugement ait été rendu, et que le nombre de procès en cours se comptent sur les doigts d’une seule main.
Elle a aussi contribué - très ponctuellement - à dissuader des chefs militaires ou politiques de commettre de nouvelles exactions. Elle a surtout sensibilisé les populations à exiger le respect de leurs droits fondamentaux.
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Wikio