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Inceste : "Des victimes sont en colère parce que ça va moins vite quand on ne s’appelle pas Camille Kouchner"
Article mis en ligne le 10 février 2021
dernière modification le 9 février 2021

Un mois après la sortie du livre de Camille Kouchner, "La Familia Grande", dans lequel elle révèle l’inceste subi par son frère, la vague #MeTooInceste se poursuit, de manière impressionnante. Dans le cabinet d’une avocate parisienne spécialisée dans l’enfance, les appels explosent. Et parfois, aussi, la colère.

Une attitude courante, selon l’avocate spécialisée. Car si souvent, à l’approche du rendez-vous avec une robe noire, qui incarne la justice, il y a la peur abyssale de porter plainte contre un proche. Tous les avocats et enquêteurs qui écoutent des victimes d’inceste, savent leur déchirement, au moment de dénoncer, car en dénonçant, les victimes font aussi exploser la famille qui a été leur refuge, jusqu’à l’agression.
"La libération de la parole peut amener des conséquences qu’on n’imagine pas" (...)

De manière inattendue, en même temps que de nouvelles victimes présumées l’appellent pour dénoncer des faits souvent anciens, l’avocate fait face depuis quelques semaines à une déferlante d’appels d’un autre genre : les appels des clients qu’elle suivait déjà, souvent pour des affaires concernant de jeunes enfants. Des clients qui se plaignent de la médiatisation de l’affaire Kouchner-Duhamel ou de l’affaire Berry. Des clients qui se plaignent surtout de la célérité des auditions dans ces enquêtes aux faits a priori prescrits, versus la lenteur de la justice à leur égard. Camille Kouchner et son frère jumeau Victor ont été auditionnés peu après la parution de La Familia Grande. Coline Berry, fille aînée de Richard Berry, qui vient de dénoncer, il y a quelques jours, un inceste qu’aurait commis son père quand elle était enfant, doit être entendue ce jeudi par la brigade de protection des mineurs de Paris. Ce sont ces auditions fixées très rapidement, pour des adultes et des faits très anciens, qui scandalisent une grande partie des clients de Marie Grimaud.
"La majorité des dossiers que nous avons, ce sont des enfants de 3 à 7 ans qui ont été capables de dire ’papa me fait ça, grand-père me fait ça, tonton me fait ça’"

Car au cabinet de Marie Grimaud, la majorité des dossiers d’inceste concernent des enfants jeunes, souvent âgés de 3 à 7 ans, qui ont dénoncé des faits, presque immédiatement, sans se murer dans le silence. (...)

Et dans beaucoup de ces dossiers concernant des bambins encore aux prises avec leur agresseur présumé, les enquêtes stagnent, selon Me Grimaud. Elle regrette que toutes les auditions qu’elle estime urgentes n’aient pas toujours eu lieu dans les brigades des mineurs, souvent submergées. Les enquêtes ne sont pas toutes jugées prioritaires. Et il y a tant de dossiers qu’il est parfois difficile de savoir lequel prioriser, reconnaissent en aparté plusieurs enquêteurs spécialistes. Alors, dans son cabinet, Marie Grimaud sent souffler en ce moment ce vent de colère. (...)

Me Grimaud perçoit "la souffrance et l’incompréhension pour beaucoup". Et "le sentiment que la justice n’instruit et ne fonctionne que pour ceux qui ont un nom, et pas pour les petites gens", tempête l’avocate, qui a conscience de son discours corrosif. Mais elle craint "une violence supplémentaire pour les victimes d’inceste pas entendues". Marie Grimaud parle de "justice à deux vitesses" dans ces affaires d’inceste. Et elle appelle les magistrats, qui "croient d’emblée la parole de Camille Kouchner", à croire autant la parole des enfants de trois à sept ans qu’elle accompagne dans son cabinet. D’après elle, trop souvent, des bambins sont jugés affabulateurs, particulièrement dans des situations de séparations conflictuelles, où les enquêteurs soupçonnent beaucoup les mères de manipulation contre le père. (...)