Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Actu.fr
Incendie de Lubrizol, amiante : ces gens du voyage dénoncent leur traitement, près de Rouen
Article mis en ligne le 16 octobre 2019

Depuis l’incendie de Lubrizol, des gens du voyage dénoncent la façon dont ils sont traités par la Métropole de Rouen. De l’amiante a été retrouvé sur leur aire d’accueil.

Le bruit des pelleteuses a réveillé cette famille appartenant à la communauté des gens du voyage qui stationnent sur l’aire du Petit-Quevilly, lundi 14 octobre 2019. Une entreprise dépêchée par la Métropole Rouen Normandie est venue terminer le travail : déblayer un amas de détritus. Quelques jours plus tôt, ce sont d’importants déchets en amiante qui ont été enlevés. (...)

Une plainte déposée

Cette aire qui accueillait jusqu’à 70 personnes la nuit de l’incendie, est située à quelques centaines de mètres du site Seveso ravagé par les flammes. « On a vu les explosions et les bidons voler », se souvient Samuel, installé depuis 1997. « Aucune mesure de protection n’a été prise au moment de l’incendie. Des policiers sont venus nous voir à huit heures, en nous disant de rester dans nos caravanes. On a été livré à nous-même », dénonce Vanessa. Depuis, un mouvement de solidarité s’est constitué regroupant deux collectifs de gens du voyage, des associations, une universitaire, un photographe et un juriste. (...)

« Malgré le classement à haut risque du site, les habitants de l’aire d’accueil de Rouen/Petit-Quevilly ne disposent d’aucun local de confinement, en infraction à la réglementation Seveso. Ils n’ont pas non plus été évacués. […] Les autorités se rendent-elles compte de la gravité de la situation ? Pourquoi rien n’a été fait pour les mettre à l’abri durant l’incendie ? », dénoncent leurs soutiens dans une tribune publiée par Libération. « Le terrain n’a même pas été nettoyé », appuie Samuel.

Une plainte contre X a été déposée le 2 octobre pour « mise en danger de la vie d’autrui », et « omission de porter secours ».
« Il y a en marre de se taire, de vivre caché »

Dans un courrier adressé le 7 octobre à la Métropole Rouen Normandie, ces habitants demandent de « s’éloigner le plus vite possible de cet emplacement » (...)

« Il y a en marre de se taire, de vivre caché, s’agace Vanessa. On paie notre emplacement 2,50 euros par jour, on paie notre eau, notre électricité, nous donnons une caution, mais jamais rien n’est fait pour nous. En 2013, déjà lors de la fuite du gaz mercaptan, on n’avait rien dit, mais là, c’est trop. » (...)

Ces habitants ont décidé de dénoncer leurs « conditions de vie éprouvantes », que l’incendie de l’usine chimique a rendu « impossibles ». « Vendredi [11 octobre, NDLR], c’était intenable ici, comme si on avait ouvert une bouteille de gaz devant notre porte », affirme Samuel. L’incendie de Lubrizol a été la fois de trop. Cette famille a donc décidé de montrer au grand jour la présence d’amiante sur leur aire.

Experts et huissier sont venus sur les lieux mercredi 9 octobre. « Au moins trois types d’amiante ont été détectés », témoigne William Acker.

Vendredi, une entreprise spécialisée est intervenue. « Ils sont venus sans décontamination préalable, sans évacuer les riverains, sans aucune mesure de protection contre les poussières soulevées », dénonce William Acker, juriste. (...)

Contactée, la Métropole de Rouen assure « retirer régulièrement les déchets » déposés sauvagement. (...)

Concernant l’amiante, l’intervention de l’entreprise spécialisée a été programmée « dès le 4 octobre », affirme la Métropole. (...)

« Nous voulons bien partir si on reste ensemble. Les aires d’accueil, c’est comme des quartiers HLM, les gens sont habitués à vivre ensemble et n’aiment pas les nouvelles têtes », explique cette mère de famille présente ici depuis une dizaine d’années.

La belle-mère de Vanessa est alitée, amputée d’une jambe, d’orteils et de doigts. Son mari et ses fils l’ont placée dans un simple cabanon de jardin. « Je ne veux pas rester, j’ai peur ici », répète à plusieurs reprises cette femme handicapée. Pour elle, la situation est très préoccupante. (...)

Depuis la réception de ce courrier, les services de la Métropole « nous ont demandé de quitter les lieux », affirment les habitants. Mais pour aller où ? « Certains sont précaires et leurs caravanes ne sont pas en état de rouler », précise William Acker.

De plus, nombreux sont les enfants scolarisés à Rouen. (...)

« L’aire de Petit-Quevilly n’est pas une exception »

Les conditions déplorables dans lesquelles vit cette famille ne sont malheureusement « pas une exception », soulignent les signataires de la tribune de presse.

« De nombreuses aires d’accueil des gens du voyage sont […] reléguées aux abords de zones industrielles à risque, notamment des usines Seveso comme à Rouen. Souvent entourés d’autoroutes, de voies rapides ou ferrées et d’usines de toutes sortes, les lieux choisis pour l’aménagement des aires d’accueil ont en commun un environnement très dégradé, soumettant les populations obligées d’y vivre à des nuisances et des pollutions quotidiennes importantes. »

À cause de ces conditions d’accueil, selon eux, les gens du voyage « ont une espérance de vie de quinze ans inférieure en moyenne à celle de l’ensemble de la population française ».