
Corinne Vautrin, 48 ans, est auxiliaire de vie sociale à Grigny, dans l’Essonne. Son métier, c’est de faire la toilette des personnes âgées, le ménage ou encore les courses. Mais pendant trois mois, elle a aussi dû étudier des dossiers, plaider et défendre les intérêts de salariés devant le tribunal de grande instance d’Evry.
A l’automne 2011, elle et ses 184 collègues ont appris que leur employeur, l’Association de services d’aides à la personne (ADSA), était au bord de la faillite. Face à la menace de la disparition de leurs emplois, cette déléguée syndicale CGT n’a pas voulu jeter l’éponge.
Avec les autres délégués du personnel, Corinne a impulsé l’élaboration d’un plan de reprise, qu’elle a ensuite défendu devant la juge. Les salariés ont pris en main leur propre destin en créant l’association 3ASM, qui s’est présentée comme candidat à la repris (...)
La longue bataille des intervenants à domicile de l’Essonne s’est conclue le 8 mars 2012 par un appel téléphonique : le tribunal avait donné le feu vert à 3ASM pour reprendre l’activité. (...)
L’alternative à cette reprise était la dissolution de l’association et le licenciement de tous les salariés, dont beaucoup sont des travailleurs pauvres. Corinne :
« Si on avait dissous ADSA et licencié tout le monde, cela aurait été un coup très dur pour nous. J’ai de la chance de vivre avec quelqu’un qui travaille, mais on a beaucoup de mères seules avec des enfants parmi nos salariés. Et il y en a parmi nous qui ne sont pas toutes jeunes non plus ! »
La liquidation d’ADSA aurait non seulement mis en péril les revenus des salariés, mais aussi des liens sociaux, pour Corinne.
« Il y a des collègues avec lesquelles je travaille depuis 1997. De perdre tout ça, cela aurait cassé quelque chose dans nos vies familiales aussi. Ça aurait été une partie de la vie qui éclate. » (...)
L’association des salariés était un premier pas vers la reprise, mais c’était loin d’être suffisant. Pour convaincre la juge, il fallait prouver que 3ASM avait des fonds.
« Nous avons reçu un don de 40 000 euros de l’association Les Amis du mutualisme et encore 40 000 de la Fondation secours d’urgence. Mais cela ne suffisait pas.
Nous avons créé une association pour récolter de l’argent et nous nous sommes organisés dans des groupes. On demandait à tout le monde de verser de l’argent sur notre compte : des entreprises, des associations et des particuliers. »
Entre prêts et dons, 3ASM a pu proposer 190 000 euros en fonds de roulement.
« On a fait la manche. Il y a des gens qui nous ont donné 3 euros, mais nous avons récupéré pas mal d’argent comme ça. Ça marchait de bouche à l’oreille. Les seules personnes qu’on n’a pas sollicitées étaient nos bénéficiaires. » (...)
Mais la reprise a été plus difficile que prévu. Pendant le premier mois d’activité, avril 2012, les salaires n’ont pas pu être versés. Pourtant, il fallait toujours remplir les frigos. (...)
Grâce à une association de bénévoles, les salariés de 3ASM ont eu de quoi manger.
« On est allés chercher des colis alimentaires pour nourrir neuf familles. [...]
Ça a été un moment difficile, mais un moment de partage. On est devenus une équipe plus soudée. » (...)
Les salaires d’avril ont été versés un mois plus tard. Aujourd’hui, près d’un an après la reprise, 3ASM a réussi à pérenniser l’activité. En dehors des charges exceptionnelles liées à la reprise, les comptes de l’association approchent l’équilibre et la direction reste optimiste sur le financement. (...)
3ASM emploie aujourd’hui 160 salariés, selon la direction. Faute de financement, on a réduit le personnel administratif d’une dizaine de personnes, En revanche, tous les intervenants à domicile continuent à travailler pour les 800 bénéficiaires de l’association. (...)