
Où en est la zad de Notre-Dame-des-Landes, deux ans après l’abandon du projet d’aéroport ? Si les barricades ont été démontées et que le bocage s’est assagi, ses habitants continuent sans relâche d’y construire une utopie très concrète tout en irriguant les résistances locales comme internationales. Non sans débats.
(...) « Ici, les lieux ne sont pas assignés à un seul usage, commente Nicolas. Ce que nous voulons, c’est rendre aux fermes leurs multiplicités. Sortir de la monoculture et de la solitude paysanne. » (...)
Le Limimbout sera peut-être l’un des premiers lieux à être racheté par le fonds de dotation « La terre en commun », qui a vu le jour après la victoire contre l’aéroport. « L’objectif, c’est d’acquérir progressivement des terres et bâtis de la zad, pour les mettre dans un pot commun inaliénable », explique Isabelle, qui fait partie du collectif qui gère le fonds. Introduit dans le droit français en 2015, le fonds de dotation permet l’acquisition collective de biens fonciers, sans système de parts ni d’actions [1].
Devenir propriétaire pour s’affranchir de la propriété... l’idée n’est pas facile à saisir pour tout le monde, concèdent certains occupants. Mais elle fait son chemin et suscite l’enthousiasme de nombreux soutiens. En un an, avec 2500 contributeurs, le fonds a collecté 600 000 euros. Leur objectif est de doubler cette somme d’ici début 2020 pour pouvoir acquérir de futures terres mises en vente.
Sauver les terres des pesticides après les avoir sauvées du béton
En attendant, la bataille foncière continue de faire rage dans le bocage. Si certains projets agricoles sortent peu à peu de l’incertitude du lendemain, d’autres continuent à naviguer à vue. Les paysans « historiques » ont récupéré 300 hectares, les nouveaux installés s’étendent sur plus de 300 autres hectares, la plupart ayant été gagnés suite au premier mouvement de réoccupation de 2012. Sur ces 300 hectares, 160 dépendent de baux de neuf ans signés avec le conseil général, qui en est propriétaire. Celles et ceux qui y sont installés peuvent donc se projeter pour plusieurs saisons. Pour les hectares restants, le doute persiste, ce qui soulève l’inquiétude des occupants (...)
La crainte principale est que ces terres aillent à l’agrandissement de fermes déjà immenses, et généreusement arrosées de pesticides. Les agriculteurs hostiles à la zad, dont certains souhaitent récupérer les terrains qu’ils avaient vendus au profit du projet d’aéroport, sont pointés du doigt. (...)
« Tout le monde met en évidence que le système dominant est arrivé au bout, remarque Jean-François, membre de la Confédération paysanne. Mais les pouvoirs publics semblent avoir du mal à faire confiance à d’autres types d’agriculture. Pour nous, il faut continuer à soutenir la zad. » Régulièrement, Jean-François et d’autres soutiens se rassemblent devant la préfecture, à Nantes, pour s’assurer que la commission ad hoc accorde bien leur « autorisation d’exploiter » aux occupants qui l’ont demandée. Préserver la biodiversité, sauver le climat, décarboner la production agricole, offrir du travail à profusion : à Notre-Dame-des-Landes, d’immenses défis sont saisis à bras le corps.