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Mediapart
« Hugo », lanceur d’alerte du nucléaire : « J’accuse EDF de dissimulations »
Article mis en ligne le 19 janvier 2022

« Avec ce type d’attitude, nos centrales ne sont pas sûres » : le témoignage choc d’un membre de la direction de la centrale nucléaire du Tricastin, inquiet que la culture de la sûreté nucléaire passe en arrière-plan des impératifs financiers au sein du groupe EDF.

Il est membre de la direction d’une importante centrale nucléaire française, croit dans les vertus de l’atome pour produire l’électricité (« une véritable passion ») mais rompt aujourd’hui le silence sur les opérations d’exploitation des réacteurs d’EDF.

« Hugo », nom d’emprunt de ce lanceur d’alerte, a déposé plainte contre son employeur en octobre 2021 pour non-respect des règles de sûreté à la centrale du Tricastin (Drôme), mise en danger d’autrui, infraction au Code du travail et harcèlement. Les faits dénoncés sont graves et longuement détaillés dans la plainte, à laquelle Mediapart a eu accès (lire ici). Il vient d’être auditionné par le groupe écologiste du Sénat, en lien avec la loi sur les lanceurs d’alerte. (...)

Dans son premier long entretien vidéo avec un média, Hugo accuse EDF de dissimulation concernant des incidents qui se sont produits à la centrale du Tricastin en 2018. Il dit avoir subi harcèlement et placardisation pour avoir dénoncé ces infractions à l’obligation de transparence. Sollicité par Mediapart, le groupe répond que « s’agissant des propos rapportés par un salarié, EDF ne fait pas de commentaires ».

Au-delà des problèmes de matériel et des difficultés techniques de la vieille centrale du Tricastin, dont le premier réacteur a commencé à fonctionner en 1980, Hugo s’inquiète de l’affaiblissement de la culture de la sûreté au sein du groupe EDF. Elle est passée au second plan, selon lui, derrière les impératifs de performance économique et financière. Il affirme qu’« avec ce type d’attitude, nos centrales ne sont pas sûres ».

De son côté, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, Bernard Doroszczuk, dans un entretien au Monde, mercredi 19 janvier, alerte sur l’absence de marges en matière de sécurité d’approvisionnement électrique. (...)

Pour le patron du gendarme du nucléaire, « il ne faudrait pas que, faute d’une anticipation suffisante, la poursuite de fonctionnement des réacteurs résulte d’une décision subie au regard des besoins électriques, ou hasardeuse en matière de sûreté. La prolongation d’exploitation ne doit pas être la variable d’ajustement d’une politique énergétique qui aurait été mal calibrée ». (...)

Hugo souhaite aussi alerter sur le manque de fermeté de l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN), qu’il a vue reprendre dans sa communication des dissimulations d’EDF. IL appelle, enfin, les responsables politiques à se préoccuper de la sûreté des centrales nucléaires françaises, et à « taper du poing sur la table » face à EDF. Sollicitée par Mediapart, l’autorité n’avait pas répondu au moment de publier cet article. (...)

les nouvelles unités ne seront pas opérationnelles avant de nombreuses années. D’ici là, les vieilles centrales comme celle du Tricastin resteront en activité pour produire de l’électricité. À quels coûts et avec quels risques pour la sûreté des installations et la sécurité du public ? C’est tout le sens de l’interpellation d’Hugo, qui attend aujourd’hui de retrouver son poste, après une longue période d’arrêt maladie. (...)