
Le Honduras a bien failli succomber récemment aux « méthodes miracles » néo-libérales d’un nouveau genre. Ce petit Etat d’Amérique centrale, dont la démocratie fut déjà prise en otage le 28 juin 2009, est ravagé par la pauvreté (1), autant que par la répression.
Un Etat dans l’Etat, tel est en substance le projet de ces fameuses villes modèles de l’économiste libéral Paul Romer, censé faire renaître la croissance économique dans les régions du monde les plus touchées par la pauvreté, le chômage et la précarité. Inspiré des villes comme Hong Kong ou Singapour, ce projet, pudiquement appelé dans la novlangue néo-libérale « région spéciale de développement » (RED) ou « ville modèle », constitue donc le cheval de bataille de Paul Romer (Lire Maurice Lemoine, « Villes privees dans la jungle », Le Monde diplomatique, juin 2011).
Cette nouvelle trouvaille sortie du chapeau d’un des héritiers de Milton Friedman a bien vite été considérée comme une aubaine par le président établi de facto, Porfirio Lobo Sosa, et le président du Congrès, Juan Orlando Hernandez. Le 4 septembre 2012, dans une procédure-éclair, un accord était signé par les deux hommes avec le consortium étasunien MKG, afin d’édifier la première ville sur la côte nord du Honduras, pour un montant initial de 15 millions de dollars. (...)
En réalité, d’après l’accord signé le 4 septembre 2012 entre la commission de promotion de l’alliance public-privé (Coalianza) et des investisseurs étrangers, le projet prévoyait la construction de trois « villes modèles », exclusivement sur des zones portuaires caribéennes et pacifiques. (...)
Si une des conditions a l’installation des RED stipule que les zones concernées doivent être désertes, il apparaît que les autorités putschistes du Honduras, pas plus que le MKG, ne se sont embarrassés de ce genre de détails. En effet, une bonne partie de ces RED devaient être installées sur les terres ancestrales des Garifunas. Plusieurs communautés, rompues a l’exercice, se sont mobilisées pour faire valoir leur droit à être consultées, selon l’accord 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Il était prévu que cette enclave néo-libérale ou cité-Etat aurait ses propres institutions, son propre régime fiscal, ses propres forces de sécurité, mais également un système juridique indépendant, comme le rappelle le journal hondurien pro-gouvernemental El Heraldo (5). En d’autres termes, les conditions de travail, la nature des mouvements financiers et de la circulation des capitaux étrangers seront de la responsabilité du seul gouverneur, qui n’aura de compte à rendre qu’à lui-même et aux investisseurs le cas échéant, notamment en matière d’accords et de traités internationaux.
Conçue comme le havre de paix des investisseurs étrangers, la construction d’un paradis fiscal de cet acabit au coeur de l’Amérique centrale par le gouvernement putschiste de Porfirio Lobo avait vocation à créer des plates-formes d’investissements et des centres financiers, à l’instar de Singapour et de Hong Kong. (...)
Si une des conditions a l’installation des RED stipule que les zones concernées doivent être désertes, il apparaît que les autorités putschistes du Honduras, pas plus que le MKG, ne se sont embarrassés de ce genre de détails. En effet, une bonne partie de ces RED devaient être installées sur les terres ancestrales des Garifunas. Plusieurs communautés, rompues a l’exercice, se sont mobilisées pour faire valoir leur droit à être consultées, selon l’accord 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Il était prévu que cette enclave néo-libérale ou cité-Etat aurait ses propres institutions, son propre régime fiscal, ses propres forces de sécurité, mais également un système juridique indépendant, comme le rappelle le journal hondurien pro-gouvernemental El Heraldo (5). En d’autres termes, les conditions de travail, la nature des mouvements financiers et de la circulation des capitaux étrangers seront de la responsabilité du seul gouverneur, qui n’aura de compte à rendre qu’à lui-même et aux investisseurs le cas échéant, notamment en matière d’accords et de traités internationaux.
Conçue comme le havre de paix des investisseurs étrangers, la construction d’un paradis fiscal de cet acabit au coeur de l’Amérique centrale par le gouvernement putschiste de Porfirio Lobo avait vocation à créer des plates-formes d’investissements et des centres financiers, à l’instar de Singapour et de Hong Kong. (...)
Pour les autres, les travailleurs happés par cette contre-utopie libérale, inféodés aux règles imposées par les multinationales, ils n’auront d’autre choix que de subir et se taire, au risque de tout perdre. Il est par ailleurs entendu que le droit syndical relèvera d’un fantasme suranné, comme dans toutes les RED de ce type dans le monde. Les secteurs de la santé, de l’éducation, de la justice et de la sécurité seront, dans ce laboratoire du libéralisme, également régis indépendamment des règles en vigueur dans le reste du pays et seront, selon des modalités restant à définir, entièrement entre les mains des autorités locales. (Lire « Villes privees dans la jungle », op. cit.)
La proposition de Paul Romer n’avait déjà pas fait florès à Madagascar en 2009 lorsqu’il projetait, en étroite collaboration avec l’entreprise coréenne Posco-Daewoo, d’y installer son projet. La population s’était alors massivement mobilisée contre la construction de la RED.
Au Honduras aussi, une partie de la population s’est mobilisée pour porter plainte auprès de la Cour suprême de justice (CSJ) pour « trahison à la patrie » contre tous les députés qui ont voté ce projet. Ils ont obtenu gain de cause : la CSJ a rendu son jugement au grand dam de Porfirion Lobo, le 17 octobre 2012, déclarant anticonstitutionnelle la « création des villes modèles », car cela constituait « une violation du principe de territorialité en concédant à des investisseurs étrangers, pour au moins quatre-vingt ans, des surfaces pouvant atteindre 33 kilomètres carrés chacune » (8).
(...)