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Home, squat home
Article mis en ligne le 16 décembre 2018
dernière modification le 14 décembre 2018

Ils passent souvent inaperçus, si ce n’est du voisinage, du proprio et de la flicaille. Une discrétion indispensable pour se donner le maximum de chances d’échapper à l’expulsion. Les squats dits d’habitation sont pourtant bel et bien là, au cœur des villes ou aux tréfonds des campagnes. Témoignages.

Une ombre dans la nuit. Qui enjambe une bordure de fenêtre ou crochète une serrure. Pénètre sans bruit dans les murs. Ouvre la porte pour faire entrer ses camarades qui attendent un peu plus loin. Voilà les squatteurs à l’intérieur. Ils changent vite la serrure, barricadent la porte, obstruent les ouvertures. Puis attendent. Jusqu’à la visite des flics ou d’un huissier. Ou jusqu’à ce que le délai légal de 48 heures soit écoulé [1]. Ce n’est qu’une fois celui-ci passé qu’ils pourront s’appuyer sur le Code civil pour faire du lieu leur domicile principal, et sur le Code pénal pour justifier l’inviolabilité de celui-ci. Cette phase passée, il sera temps de penser à habiter – mais avec la menace de l’expulsion toujours présente dans un coin de la tête.

Voilà pour le scénario idéal. Quand tout se passe bien. C’est loin d’être toujours le cas. Ouvrir un squat, fût-il discret et d’habitation, qu’il se trouve au cœur de la ville ou au fin fond de la cambrousse, c’est d’abord accepter la probabilité de l’échec. (...)

le chez-soi peut très vite ne plus l’être. Et les heures (voire les jours ou semaines) de travail auront été abattues en pure perte. Jojo encore : « Ça coupe parfois les jambes : tu t’investis à fond, tout en sachant que le risque d’expulsion plane. À force, ça fatigue. Tu finis par avoir envie de te poser, de souffler sans avoir à te dire que bientôt il faudra tout recommencer. »

Un travail de repérage en amont permet de mettre davantage de chances de son côté. (...)

Ce repérage se double souvent d’une enquête sur le propriétaire, histoire d’estimer le risque de le voir débarquer. Jérôme, passé par divers squats de l’Est parisien et du Sud de la France, aime cette étape : « J’ai toujours cherché à en savoir le plus possible sur le lieu. C’est-à-dire me rendre au cadastre pour trouver le nom du proprio, me renseigner pour savoir s’il habite à proximité, rechercher des infos à son propos sur Internet… »

Enquête sur le proprio

Parfois, celui-ci est carrément aux abonnés absents. Ainsi de cette maison vide depuis une trentaine d’années dans une banlieue résidentielle de Marseille, demeure à l’abandon que Louise et deux de ses copines avaient repérée (...)

Les proprios sont loin de se montrer toujours accommodants. Certains se font même justice eux-mêmes plutôt que de lancer une procédure d’expulsion. Et débarquent avec des sbires pour virer les squatteurs. « C’est plus effrayant que l’arrivée des flics, note Jérôme. Avec la police, il y a un cadre, surtout quand la procédure d’expulsion est lancée. Tandis qu’avec des gros bras, ça peut vraiment partir en cacahuètes... » (...)

« On partageait tout »

Perdre ses (maigres) possessions : voilà l’une des hantises de celles et ceux qui font le choix du squat. Une crainte qui pousse à ne pas accumuler. (...)

« On était jeunes, on n’avait rien mais on partageait tout. On mettait notre argent en commun, on volait la nourriture et l’alcool, on rentrait en douce dans les concerts... » Bref, le minimum vital – que demande le peuple ?

Justement : il a parfois envie d’un peu de confort. Surtout en prenant de l’âge. « Pendant longtemps, je n’ai à peu près rien possédé – juste trois grands sacs d’affaires diverses, que je pouvais boucler à la va-vite, explique Jérôme. Mais j’ai fini par acheter un ordinateur. Et là, ça devient tout de suite plus chiant : si tu pars en week-end, il te faut chercher un endroit sûr où l’entreposer, parce que tu n’es jamais certain que le squat ne sera pas visité par les flics ou le proprio en ton absence. » Un stress toujours présent, comme en filigrane.

« C’est le côté chiant du squat : tu restes toujours précaire et tu dépenses beaucoup d’énergie à ouvrir et tenir le lieu » (...)

« Squatter, c’est aussi habiter au sens plein du terme : c’est être libre et responsable de son lieu de vie. C’est pouvoir y faire ce que l’on veut sans se référer à un proprio qui de toute façon n’y vit pas. » Nulle autorisation à demander pour abattre une cloison, installer une mezzanine ou peindre les murs de toutes les couleurs.

« Un pro du bâtiment »

Et puis, à force de se retrousser les manches pour faire de la maçonnerie ou remettre en ordre de marche les circuits électriques, les squatteurs finissent par acquérir tout un éventail de compétences. (...)

entre squatteurs, l’entraide joue à plein – le mode d’habiter rapproche et permet de facilement nouer des liens entre les lieux. Soutien en cas de tentative d’expulsion, échange de compétences, coups de main occasionnels… Une solidarité d’autant plus forte que les squatteurs sont confrontés à une même adversité, celle imposée par un monde dont ils ont refusé les règles (immobilières). (...)

« Chaque squat est différent. […] Mais tout squat est ‘‘politique’’, dans la mesure où il bouleverse, même parfois involontairement, l’ordre social et la propriété. »