
Glandage dans la Drôme, un nom prédestiné. Comme si vous habitiez à Oisif-sur-Yvette ou Paresse-en-Borne. Françoise [1] y vivait sans travail il y a trois ans. Nous l’avons retrouvée…
Françoise était à la plage avec ses ongles rouges, un après-midi de juin 2011, quand je l’ai rencontrée la première fois. Je l’avais interrogée sur le travail et sur le nouveau RSA qui remplace le RMI depuis 2008. Comment le vivait-elle ? « Je ne dis pas que j’ai le RSA mais le RMI. J’ai un côté ringard et pour moi rien n’a changé. » Françoise a passé une jeunesse d’étudiante entretenue par ses parents, puis a fait un service civil. Née en 1973, elle a connue le RMI dès ses vingt-cinq ans. Le RMI, lui, a vu le jour en 1988 avec Michel Rocard, un ami de la distorsion, du MEDEF et du temps libre.
Françoise était heureuse, satisfaite du montant du RMI, à peine 400 euros « parce que je souhaite que l’argent disparaisse. » Trois ans ont passé mais l’argent est toujours là. « Je fais largement mes heures… de travail social », déclare-t-elle sans se sentir coupable d’être une assistée. Goguenarde, elle s’affiche volontiers « kropotkinienne » : « Ma culture c’est d’aider les autres, voilà ma culture socle, faire des colos c’est une expérimentation, chose que j’avais commencée dans le bénévolat. » Face aux attaques des forcenés du travail, elle a toujours adapté ses réponses : « C’est quoi le travail ? », demande-t-elle à l’un, « Vous, vous pourriez vivre avec le RSA ? », dit-elle à l’autre. Le revenu universel ne la soucie guère : « Je m’en sors, j’ai des privilèges sociaux, femme blanche, jeune, débrouillarde, qui sait écrire, des appuis sociaux suffisants qui permettent d’être asociale. »
Au passage du RMI au RSA, l’Isère a trié ses feignants : faire un contrat [2] est devenu pour Françoise une arnaque. Devant l’assistante sociale qui s’est exclamée qu’on ne pouvait vivre comme ça, elle a joué l’ancienneté. « Je fais bien mon travail et je suis là depuis le début. » La professionnelle de l’insertion a laissé passer l’heure du déjeuner… Sûre d’elle, Françoise a signé son contrat avec cette mention : « Se battre pour une société sans argent. » Sans surprise, le Conseil général ne l’a pas validé. Chance pour elle, les assistantes sociales de Villeneuve à Grenoble étaient entrées en résistance contre cette forme de flicage des allocataires. « Alors on a mené ensemble une lutte sans contrat. »
Recontactée en septembre 2014, notre Diogène hyperactive n’a pas changé d’état d’esprit. « Toujours au RMI, mais traquée, c’est de plus en plus dur et avec moins d’argent. » Pour s’en sortir, Françoise vit en coloc, toujours dans la Drôme : « J’ai arrêté de travailler complètement il y a un an et demi. » On se restreint tout de même avec un pécule si faible (...)
elle n’a pas désarmé et participe à une zone de gratuité ouverte le dimanche à Die, la Gratiferia, ainsi qu’à l’assemblée populaireLe 14 juillet dernier, la gendarmerie avait réprimé brutalement une occupation non-déclarée de l’espace publique (sic). Le 13 septembre, les membres de cette assemblée ont réuni 200 personnes dans les rues de la ville en clamant notamment : « Veuillez gérer votre violence autrement qu’en nous tapant dessus. » née des violences policières de cet été.
(...)
En Auvergne, d’autres récalcitrants explorent le chômage heureux… ou presque. Cet été, certains ont occupé le Pôle emploi avec la compagnie Jolie Môme, pour protester contre les nouvelles dispositions accordées au patronat par le gouvernement. (...)