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Slate.fr
Harcèlement scolaire : ces séquelles qui empoisonnent la vie des victimes à l’âge adulte
Article mis en ligne le 19 novembre 2021
dernière modification le 18 novembre 2021

« J’ai l’impression d’une grosse toile d’araignée sur ma vie, je ne crois pas m’en sortir totalement un jour. » Leslie a 41 ans. Les insultes, les crachats, les bousculades, elle les a vécues au collège, au début des années 1990. Son harcèlement scolaire s’est terminé à l’entrée au lycée, mais ses conséquences empoissent toujours sa vie.

« J’ai peur des gens, raconte-t-elle. Je me suis mariée avec l’une des rares personnes que j’ai réussi à fréquenter, et qui est la seule avec laquelle je n’ai absolument aucune sorte de crainte. »
« Restreindre sa vie sociale pour limiter le stress »

Cette situation, induite par les agressions répétées de ses camarades de classe, a également influé sur sa vie professionnelle

(...) Leslie ressent le harcèlement comme un sabotage. Il constitue de fait un travail de sape, qui intervient au moment de la construction des individus.

Nicole Catheline, pédopsychiatre spécialisée dans le harcèlement scolaire, explique qu’il se caractérise par trois critères : une volonté agressive des harceleurs ou harceleuses, qui perdure dans le temps et qui instaure une relation personne dominante / personne dominée.

« Le harcèlement scolaire multiplie par deux le risque de dépression chronique à l’âge adulte. » (...)

De là découle chez de nombreuses victimes un manque de confiance en elles. « Quand je marche dans la rue et que j’entends quelqu’un rire, je vais immédiatement penser qu’il se moque de moi », relate l’une d’elle. D’autres redoutent les collèges ou leurs élèves, leur présence suffisant à réveiller les souvenirs des violences subies.

Nicole Catheline décrit des conséquences cliniques parfois très graves (...)

Ce caractère anxieux perturbe aussi la vie de couple. Les anciennes victimes ont peur que la confiance donnée leur revienne ensuite dans la figure. (...)

Les autres représentent une menace potentielle pour les personnes harcelées, même après la fin des violences. Amélie ne fait pas exception : « À 32 ans, je n’ai plus confiance en personne, j’ai du mal à m’ouvrir, je manque cruellement de confiance en moi et je suis toujours dépressive. » (...)

Le harcèlement scolaire est fait pour appuyer là où ça fait mal, note Nicole Catheline. « Il vient à la rencontre d’une croyance, d’un mal être déjà présent », jusqu’à le rendre insupportable : ces agressions répétées augmentent par quatre le risque suicidaire lors de l’adolescence.
« Aujourd’hui, je sais que j’ai pu blesser »

Les harceleurs et harceleuses ont rarement conscience de l’état dans lequel elles et ils laissent leurs victimes. Antony, militaire de 22 ans, ne s’est rendu compte qu’après le bac de l’enfer qu’il a fait vivre à ses camarades de classe au collège.

« Aujourd’hui, je sais que j’ai pu blesser, mais je ne m’en rendais pas compte, c’était de la violence gratuite. C’est à l’armée, où on nous fait souffrir quand on se moque de quelqu’un, que j’ai vraiment pris en compte ce que j’avais fait. » C’est une punition de son supérieur –une heure de pompes dans le froid de février– qui lui a fait réaliser la violence de son comportement de collégien.

En 4e, il avait deux copains avec qui il faisait « les quatre cents coups ». L’un d’eux se blesse, il ne peut plus venir en cours. « Et le premier de la classe s’est permis de nous dire que sans notre ami, on chahuterait moins. Suite à ça, on a décidé de se mettre derrière lui à chaque cours ; on lui jetait des boules de papier, on l’insultait quand il prenait la parole, on l’imitait. »

Les provocations ont duré jusqu’à la fin de l’année. Un proche de la victime a pourtant expliqué à Antony le mal qu’il faisait. Mais il n’a pas arrêté : « Je n’en avais rien à faire. » Quand il a ensuite pris conscience de l’ampleur des dégâts qu’il avait pu causer, le jeune homme a demandé pardon aux victimes.

« Ne plus s’entendre dire que c’était simplement des histoires de gamins, ça leur fait du bien. » (...)

Les séquelles que laisse le harcèlement scolaire sont nombreuses : dépressions, troubles du comportement alimentaire, anxiété sociale. (...)

. « Mon psy a prononcé le mot “harcèlement”. Je date le début de ma guérison à cet instant. Jusqu’alors, je ne parlais que de “mes problèmes d’intégration”. J’ai l’impression d’avoir été recollée à ce moment-là, et j’ai pu recommencer à devenir vraiment moi-même. » Une lente reconstruction, commune aux 700.000 élèves victimes de harcèlement scolaire.