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Grève des sardinières de Douarnenez : une mémoire qui se conserve
#greves #femmes #feminisme #communisme #memoire
Article mis en ligne le 13 août 2023

Mythique, la grève des sardinières de Douarnenez en 1924 l’est doublement : elle a été menée par des femmes et s’est soldée par une victoire. La journaliste Anne Crignon raconte leur histoire dans son livre Une belle grève de femmes. Entretien.

(...) Elles sont corvéables de jour comme de nuit car il n’y a pas d’heure pour l’arrivée du poisson. Dès que les hommes sont à quai, une contremaîtresse bat le rappel dans la ville, il faut courir au travail, et c’est parti pour dix ou douze heures d’affilée, parfois plus. Même les fillettes sont avalées par l’usine, pour certaines dès leurs huit ans. C’est l’abjection. Les heures de nuit sont payées pareil que les heures de jour, c’est-à-dire une misère. Et puis il y a cette odeur qui complexe les femmes : le velours de leur jupe en est tout imprégné alors qu’elles sont d’une grande coquetterie. »

Qu’est-ce qui les pousse à débrayer à l’hiver 1924 ?

« Tout commence le 21 novembre à l’usine Carnaud, dite “la méta”, qui fabrique les boites dans lesquelles est commercialisé le poisson. Un contremaître refuse de recevoir des femmes qui demandent à le voir pour lui parler de la paye minuscule et de ces heures en trop qui les épuisent, au point que plusieurs dans leurs rangs en sont mortes. Et le gars, il fait quoi ? Il refuse. La colère monte depuis quelque temps, et la rancune est palpable envers les “riches heureux” qu’elles voient passer dans la cour de l’usine, le cheveu lissé de brillantine, sans un regard pour celles qui font leur fortune. Ce refus, c’est l’offense de trop. Et vite, l’offense se change en véritable fureur. Les femmes partent dans les rues (en chantant déjà L’Internationale) propager la contestation. Du beau travail : deux jours plus tard, toutes les usines de la ville sont en grève. »

Cette grève est érigée en modèle de lutte victorieuse. Qu’est-ce qui a rendu cette victoire possible ? (...)

Bien que féminine, cette grève n’était pas pour autant « consciemment féministe », comme tu l’écris…

« Lucie Colliard, qui était militante féministe, a essayé de convaincre ses “bonnes camarades de Douarnenez” en ce sens. Mais elles avaient déjà tant à faire qu’elle ne fut pas suivie sur ce point. En revanche, une chose est certaine : c’est grâce à des féministes comme Maria Hélia, avec son splendide film documentaire L’Usine rouge (1989), ou Anne-Denes Martin2 qui a rassemblé leurs témoignages dans les années 1990, que la mémoire s’est transmise. On entend aujourd’hui que les Penn sardin étaient féministes. Faut-il se déclarer soi-même féministe ou peut-on être désignée comme telle par autrui ? Je ne sais pas. » (...)

Place de la Croix, à Douarnenez, on se retrouvait pour commenter les affiches placardées par le Parti communiste, lesquelles étaient de véritables cours de science politique. Et puis il y avait une assemblée générale tous les jours aux halles après la manif. La lutte a tellement politisé les Douarnenistes que Flanchec a gardé sa mairie communiste jusqu’en 1940, et haut la main. »

En chanson et en images :
« Penn Sardin » de madame Claude Michel (grève des Sardinières, Douarnenez 1924)