
Mardi 15 janvier, le tribunal administratif de Lyon a interdit un produit à base de glyphosate, le Roundup Pro 360. Cette première victoire juridique pourrait susciter de nouveaux recours et mener à l’interdiction du glyphosate plus rapidement que prévu par le gouvernement.
Par ce temps hivernal, la végétation est au repos, mais pas l’actualité du glyphosate. L’herbicide controversé de Monsanto, le plus vendu au monde, était épinglé hier soir [jeudi 17 janvier] par la journaliste d’investigation la plus connue de France, Élise Lucet, dans le magazine de France 2 « Envoyé spécial ».
Mardi 15 janvier, deux chercheurs présentaient un rapport commandé par des députés européens, confirmant que la décision de réautorisation du glyphosate, en 2017, par l’Union européenne, s’était appuyée sur des documents reprenant largement la prose de Monsanto.
Et puis, fort à propos, mardi 15 janvier également, le tribunal administratif de Lyon annulait l’autorisation de mise sur le marché du Roundup Pro 360, l’une des préparations à base de glyphosate de Monsanto. « La vente de ce produit en France est désormais une infraction pénale » (...)
Le président de la République, Emmanuel Macron, a beau avoir twitté, le 27 novembre 2017, que le glyphosate serait en France interdit « au plus tard dans trois ans », la voie politique paraît incertaine à beaucoup de partisans de son interdiction. « L’histoire des trois ans est comme celle de la fermeture de la centrale de Fessenheim ! » dit Corinne Lepage. Par exemple, au printemps dernier, le gouvernement avait demandé aux parlementaires de ne pas inclure l’interdiction du glyphosate d’ici trois ans dans la loi Agriculture et Alimentation.
La décision du tribunal administratif de Lyon est une première en France. Le juge a analysé dans le détail des évaluations de l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments), qui considère que le glyphosate n’est pas cancérogène, et du Circ (Centre international de recherche sur le cancer), qui l’a au contraire classé comme « cancérogène probable ». Il en a conclu que « la méthodologie utilisée par l’Efsa (…) est inappropriée » (...)
Monsanto et l’Anses peuvent encore faire appel de la décision du juge, celle-ci ne fait donc pas encore jurisprudence. Mais Corinne Lepage se félicite déjà de sa résonance : « Compte tenu des reprises dans la presse internationale, le New York Times, la presse allemande, j’ai même reçu des coups de fil d’Afrique, la nouvelle de cette décision est en train de se répandre comme une traînée de poudre. »
En France, elle ouvre de nouvelles possibilités juridiques (...)
Par ailleurs, cette décision va pouvoir être réutilisée dans d’autres procédures en cours contre le glyphosate. Ainsi, Julien Bayou porte lui aussi, mais pour EELV (Europe Écologie-Les Verts), un recours visant à obtenir l’interdiction des produits à base de glyphosate. Il est en attente d’une audience devant le tribunal administratif de Paris. « La décision du tribunal de Lyon est nourrie, solide, c’est un atout », se réjouit-il.
Une « task force » qui avance à petits pas
Dans ce contexte, le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, a réagi mardi devant l’Assemblée nationale aux révélations sur l’expertise de l’Efsa, et à la décision du tribunal de Lyon, qui conteste cette expertise : « Nous nous battons pour changer le système et pour que l’Efsa puisse s’appuyer sur des études indépendantes menées par des organismes publics et non sur des études fournies par des entreprises privées. » Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, a lui répondu sur RMC mercredi matin : « Je ne suis ni juge ni scientifique, je ne peux pas commenter cette décision de justice. Le gouvernement et moi-même sommes là pour protéger les Français. L’Europe ne voulait plus utiliser de glyphosate au bout de cinq ans, le Président a dit, en France, ce sera trois ans », a-t-il rappelé. (...)
« L’histoire de la sortie du glyphosate en trois ans ressemble à une tentative pour gagner du temps, estime de son côté Julien Bayou. On agit en justice pour contraindre le gouvernement à prendre des décisions que l’opinion publique a déjà prises. » « On est dans l’émergence de ce que j’appelle une “justice sanitaire”, au même titre qu’il y a une “justice climatique” », ajoute Corinne Lepage.