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Gens du voyage : près de Lille, dix ans de combat au féminin pour changer d’air(e)
#gensduvoyage #WilliamAcker
Article mis en ligne le 29 janvier 2023

Changer d’aire pour pouvoir respirer : depuis 2013, sur un terrain d’accueil de gens du voyage près de Lille pris en étau entre une centrale à béton et une briqueterie, des femmes mènent le combat pour revendiquer un environnement vivable.

"Qui habiterait à côté de ces usines ? Normalement pas des êtres humains".

Dans la cuisine de sa baraque, au côté de ses trois soeurs, Sue Ellen Demestre affiche une indignation intacte après une décennie d’engagement.

Sa famille est sédentarisée, de fait, depuis 15 ans sur cette aire, où se serrent selon son décompte quelque 280 personnes.

A l’origine, des familles avaient établi un campement "sauvage" sur un terrain tout proche pour y passer l’hiver.

En 2007, une aire d’accueil est créée, la loi Besson imposant aux communes de plus de 5.000 habitants d’en disposer.

D’abord satisfaits, les occupants déchantent quand apparaissent gale du ciment, conjonctivites et problèmes respiratoires, rapporte Sue Ellen. Sans compter le bruit et le ballet des camions.

Mais faute d’autre solution et pour scolariser les enfants, ils prennent racine. Jusqu’à ce qu’en 2013, les Briqueteries du Nord s’installent. (...)

Aucun lien officiel n’a été établi entre l’état de santé des résidents et la pollution du site. En novembre 2020, la préfecture a demandé à la société bétonnière CCB d’évaluer à ses frais ses émissions.

Les mesures seront réalisées "au deuxième trimestre 2023", assure CCB. Jusque là, aucun bureau d’études n’a accepté d’intervenir en raison du "risque de dégradation" du matériel par les résidents, plaide la société.

"On peut faire toutes les mesures qu’on veut, de toute façon il y a de la poussière et elles ne veulent plus vivre là", balaie l’élu référent de la métropole lilloise pour les gens du voyage, Patrick Delebarre. (...)

La relocalisation de cette aire est désormais actée dans le Schéma Départemental d’Accueil des Gens du Voyage. Mais trouver d’autres terrains est complexe, souligne-t-il.
Une mobilisation "unique"

"La loi demande aujourd’hui qu’on mette ces gens dans des lieux salubres", alors qu’à l’époque, "la façon de voir consistait à dire +la loi oblige à les mettre dans un coin, mettons-les dans un coin+".

Le Schéma départemental prévoit des terrains familiaux ou de l’habitat adapté, mêlant maisons et emplacements pour caravanes, car les aires "ne correspondent plus aux attentes des gens du voyage du Nord", largement sédentarisés, explique-t-il. (...)

Pour William Acker, juriste issu de la communauté des gens du voyage, le combat des femmes de cette aire, "parmi les pires" de France, est unique "même à l’échelle européenne".

"Habituellement, les luttes sont éparses et s’épuisent très vite, le public des aires d’accueil ne peut pas se permettre de s’opposer frontalement à l’administration".

"Qu’on le veuille ou pas, ils ont réussi à nous sédentariser", résume Sue Ellen. "Mais je veux qu’on le soit à notre façon. On veut aussi que plus tard nos enfants ait un boulot qui leur donne envie de se lever le matin".