
Dans son livre de mai 2004, La vérité sur Cesare Battisti, la romancière et chercheuse Fred Vargas proposait à chacun de se faire une idée, avançant « la seule présentation des faits et loin de toute logique partisane ». Au regard des aveux formulés par l’Italien devant le procureur de Milan, l’auteure maintient ses conclusions. A plus forte raison.
Dans un entretien accordé à l’AFP, Fred Vargas persiste et signe : elle comptait dans les années 2000 parmi les soutiens affirmés à l’activiste italien, réfugié en France pour fuir le procès pour terrorisme qui lui avait été intenté. Il fut alors condamné par contumace. Ayant toujours clamé son innocence, Battisti a pourtant jeté un sucre dans le caffé ristretto.
En début de semaine, le procureur de Milan a en effet relaté son interrogatoire, et rapportant les propos de l’inculpé, affirmait que Battisti reconnaissait sa culpabilité dans quatre meurtres. « Je suis conscient du mal que j’ai causé et souhaite présenter mes excuses aux familles des victimes », aurait-il ajouté.
Des révélations troublantes, après quarante années de fuite, durant lesquelles il n’admit jamais sa responsabilité pour les crimes perpétrés dans les années 70 — restées dans l’histoire d’Italie comme les années de plomb.
Fred Vargas avance les faits et les preuves
« Je suis absolument contre toute violence. Je ne l’aurais jamais défendu si j’avais pensé qu’il avait tué quelqu’un. On me prend pour une idiote, une crédule, mas je ne me suis pas fait berner », indique ainsi la romancière dans une interview.
Et de rappeler : « Je n’ai pas clamé son innocence en me basant sur une conviction, mais sur des recherches scientifiques. Je suis chercheur à la base, avant d’être écrivain. Et je maintiens mes conclusions. » On se souviendra notamment de sa venue sur le plateau de Thierry Ardisson, et la défense qu’elle avait menée pour montrer l’innocence de Battisti. Elle se positionnait alors comme chercheuse au CNRS :
Comment expliquer alors ce revirement ? Pour Fred Vargas, pas question de dire que Battisti ment, « mais moi je garde ma conclusion ». (...)
Dans la presse italienne, Vargas insiste : « Ses déclarations [de Battisti, Ndlr] ne me blessent pas, elles me laissent indifférente. Il est possible qu’il ait ses motivations, ses raisons, je le laisse libre de dire ce qu’il a choisi de dire. » D’autant plus que l’Italie « est le seul pays au monde où la justice refuse de rouvrir le procès d’un homme condamné par contumace. Normalement, il devrait être rejugé, mais l’Italie ne veut pas en entendre parler ». (via Il quotidiano)
L’éditrice Joëlle Losfeld, qui avait publié les ouvrages de Battisti, estime pour sa part que c’est la stratégie de défense qui a changé, sur les conseils de son avocat. Elle évoque aussi les vices de forme dans le procès, que Vargas pointait dans son livre. Et sans oublier les actions de Battisti, elle précise que la France n’a jamais ignoré qu’il s’agissait d’un criminel.
Toutefois, « il a reconstruit sa vie en France, et n’a plus jamais commis de crimes. Il s’est conformé aux exigences de comportement de la doctrine Mitterrand, c’est à dire abandonner la violence et vivre tranquillement ». Et de conclure : « Nous l’avons défendu non parce que nous approuvions ses crimes, mais parce que la France s’était engagée. »
À ce jour, elle assure ne pas avoir changé d’avis le concernant, « et je reste son amie », assure-t-elle au Corriere.
De l’autre côté des Alpes, le ministre de l’Intérieur, sorte de Donald Trump italien, mais également vice-président du Conseil et chef de la Lega Nord, le parti d’extrême-droite, fustige les défenseurs de Battisti, depuis les aveux de ce dernier.
« J’attends aussi des excuses de ces pseudo-intellectuels de gauche qui, durant tant d’années, l’ont couvert, défendu et cajolé », indique-t-il. Parmi ses cibles, on peut deviner les noms de Daniel Pennac, Erri de Luca, Stéphane Hessel et bien d’autres.