Succès majeur de Radio France depuis 10 ans avec près de 1,3 millions d’auditeurs, la quotidienne satirique « C’est encore nous », de Charline Vanhoenacker, Guillaume Meurice et Alex Vizorek, seule émission de France Inter qui moquait les travers du pouvoir Macroniste, va être brutalement supprimée par Radio France. Lot de consolation : une hebdo le week-end. Enquête sur les coulisses d’une censure qui va affaiblir l’audiovisuel public.

En ce 10 mai, Dans « C à vous » (France 5), la star de France Inter Charline Vanhoenacker fait une drôle de tronche. A la présentatrice Anne-Elisabeth Lemoine, qui vient de lui demander si Le Parisien avait dit vrai en annonçant qu’elle devait « confirmer à Adele Van Reeth (directrice de France Inter, ndlr) sa décision » d’arrêter son émission quotidienne à succès « C’est encore nous », elle lâche, manifestement amère : « Ce n’est pas ma décision ». Un ange passe. Puis : « Je laisse les clés d’une Rolls. »

Effectivement, son impertinente émission connaissait un succès grandissant depuis sa création, en 2014. Au point de talonner désormais son incontournable rivale de RTL, les grosses têtes (seuls 90 000 auditeurs les séparent). Un vrai succès pour la radio publique. « On n’a jamais été aussi hauts dans les sondages. On a commencé avec 350 000 auditeurs (en 2014), on en est à 1,25 million […] On a le même plaisir qu’au début, donc ça ne me serait pas venu à l’idée de passer en hebdomadaire », a-t-elle regretté, avant de confier, diplomate : « J’aurais bien fait un an de plus, mais on va s’adapter, je suis assez enthousiaste ». (...)

Reste une question : comment Adèle Van Reeth, nouvelle directrice de France Inter et Sibyle Veil, la camarade de promotion d’Emmanuel Macron à l’ENA qui dirige Radio France, ont elles pu prendre une décision aussi préjudiciable aux audiences de France Inter, et donc de l’audiovisuel public ? (...)

« Arriver le week-end, où les audiences sont moins importantes, c’est un enterrement de première classe, analysait pour sa part un ancien cadre de Radio France cette semaine dans Télérama. C’est une façon, doucement, de mettre fin à une époque. »

Questionnées à leur tour par Off Investigation sur l’incongruité de cette suppression d’une émission qui « cartonnait » Adèle Van Reeth, la directrice de France Inter, et Sibyle Veil, présidente de Radio France, se sont murées dans un étrange silence. À Télérama, la patronne de France inter a déclaré : « J’ai proposé à Charline de sortir de sa zone de confort. Elle a le goût du risque, elle a accepté, même si c’est déstabilisant et émouvant pour elle ». Sans expliquer la raison de la suppression de la quotidienne. (...)

Dans cette affaire, le comportement de la direction de Radio France rappelle étrangement celui de la direction de Canal + quand la pression de Vincent Bolloré avait commencé à se faire sentir, en 2014-2015. Pendant des mois, la direction avait soudain estimé que notre émission hebdo à succès, Spécial investigation, devait se « renouveler », se « moderniser ». Puis, en 2016, le directeur général, Maxime Saada s’était soudain mis en tête la passer en « mensuelle ». Autrement dit, de n’en diffuser que 10 par an, au lieu de 44. A l’instar de l’attaché de presse d’Inter, il nous avait prétendu que nous serions « mieux exposés ».
Le Président de la République « dérangé » ?

La bande de saltimbanques de Charline Vanhoenacker aurait-elle en réalité dérangé le président de la République ? Ces dernières semaines, elle s’était fait l’écho de la révolte des retraites et de l’isolement de la Macronie en des termes particulièrement bien sentis. Florilège.

–Charline Vanhoenacker (22 mars, après le discours télévisé d’Emmanuel Macron) :“ Cette intervention du chef de l’état avait pour objectif de clarifier la situation pour les français et le pari est réussi puisque ceux qui hésitaient encore à descendre dans la rue demain sont désormais convaincus qu’il faut y aller ” (…) “Ce qu’on peut reconnaître à Macron c’est sa capacité à insulter les français avec une voix très très douce” (...)

Proximité de la direction de Radio France avec la Macronie

Cette ligne éditoriale distancée et critique envers pouvoir exécutif a-t-elle précipité la suppression de l’émission ? Difficile de ne pas se poser la question quand on connait la proximité entre la direction de Radio France et la Macronie. Depuis quelques années, France Info tend à relayer sans grand recul les élements de langage de l’exécutif. (...)

Il y a quelques mois, Charline Vanhoenacker avait déja du laisser sa place à un chroniqueur plus consensuel le matin : » Matthieu Noël, ça ne fait pas de vague, décryptait cette semaine un proche de la radio dans Télérama. Charline, elle tapait sur tout le monde. Il vaut mieux que les gens rassemblent plutôt qu’ils clivent. C’est la ligne d’Adèle Van Reeth et de Sybile Veil, PDG de Radio France »

 » Ils veulent de l’humour innofensif « 
Pascale Clark, ancienne voix de France Inter (...)

Pétition :

– (Change)
Sauvons "C’est encore nous" sur France Inter !

Chers dirigeants de Radio France et France Inter,

Nous, auditeur-ice-s fidèles de l’émission "C’est encore nous" sur France Inter, sommes profondément attristés par la nouvelle selon laquelle l’émission sera réduite à une diffusion hebdomadaire à partir de septembre 2023. Nous pensons que cela serait une grande perte pour la radio et pour ses auditeurs.

Nous sommes conscients que la décision de réduire la diffusion de l’émission ne relève pas de la responsabilité de Charline Vanhoenacker, qui a confirmé l’information dans l’émission C’est à Vous sur France 5, ce mercredi 10 mai 2023. Nous espérons que cette pétition sera une manière pour nous, auditeurs, de faire entendre notre voix et de montrer l’importance que nous attachons à cette émission.

Nous sommes également conscients que l’émission rencontre un franc succès auprès des auditeurs, avec des audiences qui se maintiennent à un niveau très élevé depuis son lancement. En effet, selon les chiffres de Médiamétrie, "C’est encore nous" rassemble quotidiennement plus de 1,2 million d’auditeurs, ce qui témoigne de l’engouement que suscite cette émission auprès du public. (...)