
Récemment naturalisés, ils pourront glisser un bulletin dans l’urne pour la première fois lors de l’élection présidentielle française de 2022. Et pas question pour eux de laisser passer cette occasion. À quelques mois de l’élection, RFI est à Marseille, ville symbole de la diversité.
Certains se sont mis sur leur trente-et-un, d’autres non. Mais pour tous ceux qui ont pris place sous les lustres à pampilles des salons d’honneur de la préfecture des Bouches-du-Rhône en cette après-midi ensoleillée de la fin novembre, c’est un grand jour : ils sont une trentaine de 19 nationalités différentes à recevoir leur décret de naturalisation. C’est la première "cérémonie d’accueil des nouveaux Français" dans la cité phocéenne depuis le début de l’épidémie de Covid-19.
Casquette brodée posée sur la tête, le sous-préfet à la relance des Bouches-du-Rhône imprime une certaine solennité à l’instant (...)
"le plus précieux, souligne le représentant de l’État, est sans conteste le droit de vote. Il s’agit de bien plus que d’un droit de glisser un bulletin dans l’urne le jour des élections (...) Cela montre que vous êtes membres à part entière de la communauté nationale, et cela montre aussi que nous appartenons à une démocratie, dont le principe est inscrit à l’article 2 de notre Constitution : gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple". (...)
certains ne cachent pas leur joie. En entendant l’hymne national, Béatrice Ntaye s’est dit émue qu’à 50 ans, "une nouvelle vie commençait" pour elle. Cette auxiliaire de vie en Ehpad fait partie des quelque 12 000 travailleurs étrangers "en première ligne" - professionnels de santé, agents de sécurité ou d’entretien, caissiers, aides à domicile - qui ont bénéficié d’une procédure allégée pour prétendre à la nationalité française. Une "chance" que la désormais Franco-Ivoirienne s’est empressée de saisir. Car pour elle, cette naturalisation a un goût de revanche. Venue rejoindre son mari en France en 2003, la vie de couple a rapidement tourné au cauchemar. "J’ai découvert qu’il buvait, qu’il était agressif et violent." À cette époque, elle ne connaît personne à Marseille et elle est femme au foyer. Après avoir obtenu le divorce, elle se reconstruit. "Je me sentais chez moi mais sans être chez moi", se souvient-elle. Au marché, quand on lui tend un trac de campagne, elle ne peut s’empêcher de préciser qu’elle n’est pas française et n’a donc pas le droit de voter. Les jours d’élection, elle se sent "un peu aigrie" en voyant ses amis aller voter. "J’avais cette petite rage au fond de moi, commente-t-elle. Je me disais : j’ai mes enfants ici, je travaille ici et je ne peux pas aller voter ! Il faut que je sois Française."
"Jusqu’à présent, on ne nous demandait pas notre avis"
Cette frustration, Béatrice n’est pas la seule à l’avoir ressentie. "Jusque-là, on voyait les gens participer au vote dans notre pays et on ne nous demandait pas notre avis, témoigne Hamid Kaci. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : on est à part entière inclus dans ce système." (...)