
Avec le confinement, des millions de personnes ont vu leurs revenus baisser et certaines dépenses – d’alimentation ou d’énergie – augmenter. Acquitter son loyer peut devenir difficile, voire impossible, avant la reprise économique. Des associations demandent un moratoire sur le versement des loyers et la création de fonds d’aides aux habitants, comme l’État l’a déjà prévu pour les entreprises.l
Pour l’instant, le gouvernement français n’a rien fait en ce sens. Il a certes ouvert des milliers de places d’hébergement supplémentaires, pour pouvoir confiner les personnes sans-abri ou vivant en bidonville. (...)
Même avec ces lieux d’accueil temporaire, chaque jour, au moins 1500 appels au 115 pour trouver un hébergement d’urgence restent sans réponse (...)
Aujourd’hui, avec près de la moitié de la population active au chômage partiel et tous les travailleurs de l’économie informelle qui se retrouvent sans aucune ressource, il s’agit de ne pas faire grossir les rangs des personnes à la rue. (...)
La Fondation Abbé Pierre demande une aide mensuelle pour les ménages à bas revenus pendant toute la durée du confinement, de 250 euros par mois. « Nous sommes aussi favorables à une aide spéciale pour payer le loyer et les charges pour les personnes qui ont connu des baisses de revenus. Cela pourrait passer par un fonds national qui serait alimenté par l’État, et peut-être redistribué par les fonds de solidarité pour le logement des départements. »
La Confédération nationale du logement (CNL) demande également un fonds d’indemnisation « des habitants ». « Dans les habitants, on met les locataires, les propriétaires occupants, et les accédants à la propriété », précise Eddie Jacquemart, président de la CNL. « Cette crise va vraiment bousculer les habitants dans leur pouvoir d’achat, les revenus vont diminuer pour beaucoup, et les dépenses vont augmenter, pour le chauffage, le gaz, l’eau, l’électricité, et les dépenses alimentaires puisque la cantine n’est plus là pour les enfants. » La CNL propose de financer ce fonds à travers les amendes prononcées pour non-respect du confinement, par une taxe sur les plateformes de vente en ligne, voire en rétablissant l’impôt sur la fortune. « Il y a des recettes possibles qui ne viennent pas forcément des poches de l’État, mais qui viennent de décisions de l’État », estime Eddie Jacquemart.
La CNL appelle également à un moratoire partiel sur les loyers. (...)
Pour faire pression sur le gouvernement, Droit au logement a lancé une campagne de mobilisation solidaire : un appel à la suspension générale des loyers. « L’idée, c’est de dire, on est locataire solidaire, fin avril, on ne paiera pas notre loyer. Moi, j’ai suspendu mon loyer depuis fin mars. Il faut connaître le risque, il faut mettre l’argent de côté, poursuit le militant. L’objectif, c’est d’avoir un mouvement collectif, mais pas d’être sur une grève illimitée. »
Le DAL demande un moratoire sur les loyers, la suspension de toute sanction vis-à-vis des locataires et accédants en difficulté, un fonds pour apurer les dettes de loyer et de traites bancaires, un arrêt des expulsions, la réquisition des logements vacants, une hausse des APL, une baisse des loyers et des charges, et la construction massive de logements sociaux (voir le site de la campagne du Dal ici). En Espagne, une grève des loyers a été lancée depuis fin mars, à l’appel de 200 organisations de locataires. (...)
Les fédérations HLM et l’Union sociale pour l’habitat ont refusé officiellement un moratoire des loyers. Pour autant, des bailleurs sociaux, comme à Paris, Plaine Commune (Seine-Saint-Denis) ou Meaux (Seine-et-Marne), ont annoncé permettre un report ou un échelonnement des loyers pendant cette période difficile. « Certains bailleurs ont communiqué sur le sujet, mais en réalité, tous le font. Nous avons demandé à nos adhérents d’amplifier les prises de contacts avec les locataires pendant la période », assure à Basta ! Marianne Louis, directrice générale de l’Union sociale pour l’habitat.
« C’est la pratique habituelle des bailleurs sociaux d’avoir de la compréhension, en tous cas pour quelques semaines, en cas de difficultés à payer. Mais là, ça ne suffira pas », alerte Manuel Domergue. (...)