Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
blogs de Médiapart
Faire entendre l’histoire, hors de la tour d’ivoire
Article mis en ligne le 25 juin 2018
dernière modification le 19 novembre 2023

Un texte écrit par André Loez, historien, qui vient de créer un podcast destiné à faire connaître les travaux historiques récents ou anciens. Encore une initiative salutaire permettant de montrer l’actualité d’une histoire vivante en contrepoint de l’histoire réactionnaire qui domine encore l’espace public.

S’il est bien un reproche que l’on ne peut plus adresser aux historien·ne·s, c’est celui de l’enfermement dans une tour d’ivoire académique. On pourrait le croire, à première vue, en voyant le succès médiatique insolent des bateleurs et charlatans de l’histoire, Bern, Ferrand ou Casali, ou encore la multiplication de chaînes Youtube se proposant de raconter l’histoire sur un mode ludique (et parfois très réussi) loin des codes universitaires. Rien de tout cela n’est entièrement nouveau, à vrai dire : l’histoire n’a jamais appartenu à la corporation des historiens, et d’André Castelot à Alain Decaux, la demande sociale d’une histoire familière, identifiée aux « grands » personnages, aux énigmes, complots ou batailles, a toujours garanti le succès d’une forme de vulgarisation facile à digérer.

Ce qui semble plus nouveau, c’est la volonté, du côté des historien·ne.s, de ne pas laisser le champ totalement libre à ces discours, et d’intervenir de façon plus ouverte et créative dans l’espace public, sans renoncer aux spécificités critiques et réflexives du métier. Là encore, rien d’entièrement inédit : on se souvient de la forte implication de grands noms de la profession, tels Fernand Braudel, Georges Duby et Marc Ferro dans la production de documentaires télévisés, et pour ce dernier, de décryptage des images. Et, outre les innombrables conférences données dans des établissements scolaires et des médiathèques par des collègues, il existe également toute une tradition spécifique d’éducation populaire, pensant l’histoire comme outil d’émancipation, qu’illustrent, entre autres, les rencontres d’histoire critique, les conférences de Nantes histoire, ou les cours libres donnés tout récemment à Nuit Debout ou dans Tolbiac occupé.

Mais ce sont les modalités même de l’intervention dans l’espace public qui sont repensées depuis une dizaine d’années, beaucoup d’universitaires prenant acte du recul (ou de la mutation, restons optimistes !) du lectorat en sciences humaines, et de l’inefficacité relative des modes les plus habituels de leur prise de parole, comme la pétition ou la tribune dans la presse. (...)

ce sont les modalités même de l’intervention dans l’espace public qui sont repensées depuis une dizaine d’années, beaucoup d’universitaires prenant acte du recul (ou de la mutation, restons optimistes !) du lectorat en sciences humaines, et de l’inefficacité relative des modes les plus habituels de leur prise de parole, comme la pétition ou la tribune dans la presse. De plus en plus de collègues se saisissent d’outils et de lieux permettant de toucher d’autres publics que celui des pairs de la discipline. (...)

La légèreté est aussi institutionnelle : avec pour seul coût, minime, celui d’un hébergement web, aucune dépendance envers des financements, de la publicité ou des producteurs, et une liberté complète de choix pour les sujets abordés, et la forme adoptée. (...)

S’il est bien un reproche que l’on ne peut plus adresser aux historien·ne·s, c’est celui de l’enfermement dans une tour d’ivoire académique. On pourrait le croire, à première vue, en voyant le succès médiatique insolent des bateleurs et charlatans de l’histoire, Bern, Ferrand ou Casali, ou encore la multiplication de chaînes Youtube se proposant de raconter l’histoire sur un mode ludique (et parfois très réussi) loin des codes universitaires. Rien de tout cela n’est entièrement nouveau, à vrai dire : l’histoire n’a jamais appartenu à la corporation des historiens, et d’André Castelot à Alain Decaux, la demande sociale d’une histoire familière, identifiée aux « grands » personnages, aux énigmes, complots ou batailles, a toujours garanti le succès d’une forme de vulgarisation facile à digérer.

Ce qui semble plus nouveau, c’est la volonté, du côté des historien·ne.s, de ne pas laisser le champ totalement libre à ces discours, et d’intervenir de façon plus ouverte et créative dans l’espace public, sans renoncer aux spécificités critiques et réflexives du métier. Là encore, rien d’entièrement inédit : on se souvient de la forte implication de grands noms de la profession, tels Fernand Braudel, Georges Duby et Marc Ferro dans la production de documentaires télévisés, et pour ce dernier, de décryptage des images. Et, outre les innombrables conférences données dans des établissements scolaires et des médiathèques par des collègues, il existe également toute une tradition spécifique d’éducation populaire, pensant l’histoire comme outil d’émancipation, qu’illustrent, entre autres, les rencontres d’histoire critique, les conférences de Nantes histoire, ou les cours libres donnés tout récemment à Nuit Debout ou dans Tolbiac occupé.

Mais ce sont les modalités même de l’intervention dans l’espace public qui sont repensées depuis une dizaine d’années, beaucoup d’universitaires prenant acte du recul (ou de la mutation, restons optimistes !) du lectorat en sciences humaines, et de l’inefficacité relative des modes les plus habituels de leur prise de parole, comme la pétition ou la tribune dans la presse.(...)

Le paysage actuel montre toute la diversité de ces réinventions du discours historien, dont on peut donner les exemples les plus frappants. (...)

L’histoire peut aussi se pratiquer en chantant et en marchant, avec l’association Chemins de mémoire sociale, qui prépare ses itinéraires en impliquant des historien·ne·s. (...)

Les médiévistes sont sans doute les plus actifs parmi les collègues investissant des lieux et modes d’action nouveaux(...)

Twitter : un espace où de plus en plus de collègues s’aventurent, pour partager, avec les limites et les vertus du format, des lectures, des débats, des « threads » (fils) d’explication, de vulgarisation, de commémoration : Mathilde Larrère y excelle, et apporte ses éclairages à l’émission en ligne « Arrêt sur histoire ». Avec Laurence de Cock, depuis 2016, elles détricotent le passé sur Mediapart, en associant savoir, recul critique, et volonté de s’adresser à des non-spécialistes de l’histoire en utilisant la souplesse du web.(...)

en avril 2018, j’ai créé le podcast « Paroles d’histoire », avec quelques idées en tête : accompagner de façon intéressante les pénibles trajets en voiture et dans les transports qui sont pour beaucoup notre quotidien ; rendre compte de l’actualité passionnante des parutions en histoire, en invitant notamment des jeunes docteur·e·s pour évoquer leurs livres ; donner des ressources aux collègues et aux étudiant·e·s qu’un sujet intéresse sans avoir toutes les clés pour l’aborder (...)

Aussi ce texte se finira-t-il par une invitation ouverte, à s’emparer de cet outil (en venant y parler) comme à en imaginer d’autres, pour participer au mouvement très bénéfique qui fait intervenir la réflexion historienne dans la vie de la cité. (...)