
Le championnat d’Europe de football, qui se déroulera en France du 10 juin au 10 juillet, échappera-t-il aux scandales qui accompagnent régulièrement le coût pharaonique des nouveaux stades, comme en Grèce pour les JO de 2004, ou au Brésil pour la coupe du monde 2014 ? Pour la construction et la rénovation des stades de l’Euro 2016, les collectivités françaises ont une nouvelle fois mis la main au portefeuille. Bien souvent à travers des partenariats publics-privé engageant les finances publiques pour plusieurs décennies, pour le plus grand bénéfice des concessionnaires des stades, les grands groupes du BTP. Enquête sur des opérations coûteuses et risquées, en partenariat avec le mensuel Alternatives économiques.
Ils sont grands, ils sont beaux, ils sont neufs, et l’espace de quelques matchs, ils seront pleins et colorés. Ensuite ? La plupart des stades utilisés pendant l’Euro 2016 seront réinvestis par les clubs français. Et ils retrouveront probablement leur visage plus classique : des enceintes surdimensionnées, aux gradins clairsemés. Qui laissent une belle facture à de nombreuses villes françaises.
Après l’obtention de l’organisation de l’Euro 2016 en mai 2010, plusieurs nouveaux stades ont été lancés et d’autres rénovés. A l’époque, les partenariats public-privé (les fameux PPP, voir schéma) sont à la mode. Ce mode de gestion permet aux villes d’être propriétaires des stades au final tout en investissant peu à court terme, car une part importante de l’investissement initial est prise en charge par un acteur privé. En échange, la ville s’engage à lui verser un loyer annuel convenu à l’avance. Les villes auraient pu choisir de laisser les grands clubs financer eux-mêmes leur stade, comme cela se pratique au Royaume-Uni ou en Espagne, mais en France, « les maires préfèrent que les stades appartiennent à la ville, parce qu’ils tiennent à être chez eux dans leur stade », explique un ancien membre des plus hautes instances du football français. D’où les centaines de millions d’euros de dépenses publiques engagées pour des stades qui hébergent surtout des clubs et des compétitions privés. Les villes de Nice, Bordeaux, Lille ou encore Marseille ont signé des partenariats de ce type. Six ans après, le bilan alterne entre mauvais et catastrophique.
Syndrome de la « cathédrale vide » (...)
au Mans par exemple, depuis la liquidation du club professionnel suite à de mauvais résultats, la ville paie 3,2 millions par an à Vinci pour un stade qui n’accueille plus de rencontres régulières, et dont elle ne sera effectivement propriétaire qu’en… 2044.
Outre la question du financement, celle de la taille de ces stades se pose également. (...)
Certes, pour se prémunir de l’aléa sportif, les nouveaux stades français ont été conçus pour être multifonctionnels et pouvoir accueillir des concerts ou des événements d’entreprise. Mais cela ne suffira sans doute pas, notamment parce que « les nouvelles enceintes sont loin des centres-ville, mal desservies, regrette James Rophe, président de l’Association nationale des supporters. Globalement, nous n’avons pas été associés à leur conception ». Ces enceintes ont tout de même vu le jour « parce qu’un grand stade neuf, ça fait rêver les élus, qui espèrent en tirer des bénéfices en termes d’image », ajoute Jérôme Latta. (...)
Le nouveau stade bordelais « sera essentiellement dédié à la pratique du football professionnel. La ville ne souhaite pas imposer d’obligations particulières de service public. » Cette phrase, inscrite dans un rapport de 2010, ne figure pas dans le contrat final liant la ville aux exploitants du stade. « Mais dans les faits, on en reste là, dénonce Matthieu Rouveyre, conseiller municipal PS : Vous avez payé le stade, mais si vous voulez y faire courir les bambins des écoles, vous devez le louer ! » La mairie de Bordeaux a versé 17 millions d’euros pour la construction. Si l’on ajoute les autres collectivités publiques, l’investissement public initial s’élève à 75 millions,
sur un montant total de 197 millions. Il faut ajouter à cette mise de départ les
loyers versés pendant trente ans par la ville à la Société Bordeaux Atlantique (SBA) – filiale de Fayat et de Vinci – qui exploite le stade. En 2011, la ville parlait de 3,6 millions d’euros annuels.
« Les taux d’intérêts ont baissé, c’est aujourd’hui 1,5 million », explique Nicolas Florian, adjoint en charge des finances. La mairie va aussi rembourser chaque année à SBA une partie des impôts locaux : pour 2,6 millions d’euros, affirme l’opposition... 1,2 million « seulement », répond la majorité. Combien le stade coûtera-t-il au final à la ville ? « On le saura dans trente ans », grince un juriste qui s’est penché sur ce partenariat public-privé (PPP). Le Conseil d’Etat, saisi par Matthieu Rouveyre, vient de forcer la mairie à revoter la délibération autorisant la signature, jugeant l’estimation des coûts en 2011 « incomplète ». « Cela fera jurisprudence, se réjouit l’opposant, au sujet de ces contrats où tous les risques, et notamment sportif, pèsent sur la personne publique ! » « L’actionnaire des Girondins, M6, a signé une lettre d’intention », répond Alain Juppé : même si l’équipe descend en Ligue 2, il continuera à payer son loyer (3,85 millions). Cela reste une lettre « d’intention », rappelle Matthieu Rouveyre. (...)
Lille : un partenariat public-privé attaqué en justice (...)