
À deux reprises, en juillet et en septembre 2018, les Parlementaires français ont refusé d’inscrire dans la loi l’obligation d’étiquetage pour les aliments issus d’animaux nourris aux OGM. En parallèle, la filière lait tente de s’organiser et de se structurer spontanément pour pouvoir proposer des produits laitiers « sans OGM » notamment sous la pression de la demande de consommateurs européens.
En France, la législation [2] [3] permet une certification volontaire « issu d’animaux nourris sans OGM » avec deux taux de présence fortuite dans la nourriture animale : 0,9 % et 0,1 %. Actuellement les industriels proposent principalement des produits avec un taux limite à 0,9 %. La loi impose une durée minimale de conversion à une alimentation sans OGM des animaux de six mois et une interdiction de la coexistence d’une alimentation différenciée OGM/non OGM au sein d’un atelier de transformation d’une même espèce.
En Allemagne, un label « Ohne Gentechnik » (qu’on pourrait traduire par « sans génie génétique ») créé par le ministère de l’Agriculture est géré depuis 2008 par l’association Vlog [4]. Pour être certifié sans OGM, le lait doit être issu d’animaux nourris sans OGM. Le taux maximal de présence accidentelle d’OGM est de 0,1 % et avec une durée de conversion minimale de trois mois.
À l’avenir, les suites résultant de la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne sur les « nouveaux OGM » sont à mettre en œuvre [5]. Aujourd’hui, ni le producteur, ni le consommateur n’ont les moyens de savoir si l’alimentation des animaux est exempte d’organismes issus des nouvelles techniques de sélection comme la mutagénèse ou de graines issues de variété rendue tolérante aux herbicides (VrTH). Selon l’interprétation adoptée des conséquences de cet arrêt, les exigences d’autorisation, de traçabilité et d’étiquetage des OGM vont fortement impacter cette filière. (...)
La présence d’OGM ne peut-être détectée directement dans le lait. Par conséquent, la garantie de produits laitiers « sans OGM » ne peut se faire que par le contrôle de l’alimentation des animaux. La certification « issu d’animaux nourris sans OGM » exige donc des modalités de traçabilité et d’analyse de la nourriture animale appropriées et exigeantes. À ce jour, seules des initiatives localisées des filières elles-mêmes s’intéressent à l’évolution de ce secteur et de ses pratiques [8].
La valorisation des produits laitiers sans OGM
La filière laitière sans OGM croît car elle rencontre le désir de certains consommateurs prêts à payer un peu plus pour ce produit [9]. En Allemagne, comme dans d’autres pays, le marché est porteur, on l’a vu. Et l’offre et la demande s’étendent également de plus en plus aux fromages et aux crèmes (voir graphique). (...)
En France, cette valorisation n’est pas aussi simple. Le « sans OGM » existe [10] mais ce n’est qu’une différenciation parmi d’autres et toujours entre produits conventionnels. Contrairement à l’Allemagne, d’autres qualités sont préférées par les consommateurs français (par exemple le pâturage, le bien-être animal ou la rémunération équitable pour le producteur). De plus, d’autres certifications garantissent une alimentation sans OGM des animaux et sont gages d’une certaine qualité : le label biologique et certaines AOP.
L’avenir de la filière
Il semble y avoir en France un total désintérêt de la part des politiques publiques pour le secteur des animaux nourris sans OGM en plus d’une volonté de ne pas informer le consommateur en rejetant l’étiquetage obligatoire sur les produits finaux d’une nourriture animale OGM. Ce secteur tends alors à s’organiser lui-même mais exprime le souhait d’une harmonisation et coordination européenne pour des définitions communes des différenciations de produits. De trop nombreux cahiers des charges différents noient les critères de différenciations les uns dans les autres. (...)
le succès de la commercialisation des produits laitiers sans OGM dans certains pays européens ne garantit pas l’existence d’une filière totalement vertueuse. En effet, quelle place cela donne-t-il aux producteurs biologiques qui sont engagés dans ces démarches de production écologique et de qualité des produits plus exigeante et depuis plus longtemps ?
On peut aussi noter au niveau des réunions de la filière organisées en France (la table ronde précédemment citée) une représentation des grosses coopératives, collecteurs et distributeurs avec une absence totale de représentants des producteurs, bios ou non, ou de coopératives petites et moyennes.