
Le cocktail explosif de bulle immobilière, crise financière et chômage massif prive de logement des milliers de familles en Espagne. Mais les victimes des expulsions hypothécaires ne sont pas anonymes, elles ont des noms et des histoires à raconter.
Francisco a dû quitter Getafe (à Madrid) cette semaine ; Sheila et Medeleine, mères seules de cinq enfants, vont être expulsées de leurs logements à Barcelone ; Alex et sa famille, sont retournés comme « okupas » (squatteurs) dans le logement qu’ils avaient perdu dans la localité catalane de Terrassa.
Ils avaient tous contracté des crédits immobiliers dans les années de prospérité supposée et de crédit facile, se sont retrouvés sans revenus et ne peuvent pas rembourser. Non seulement ils ont perdu leurs appartements, mais ils sont endettés.
(...) Ils sont des milliers dans la même situation. Ils sont sortis de l’anonymat grâce à un collectif de militants, composé de personnes concernées et de sympathisants, unis en une campagne de résistance non-violente pour mettre fin à la crise. Le mot d’ordre est sans ambiguïté :
« Nous ne laisserons pas les banques nous jeter dehors. »
Ce genre de guérilla contre les expulsions est née en 2009 à Barcelone lorsqu’un groupe de victimes a créé la plate-forme des personnes affectées par les hypothèques (PAH en espagnol), pour dénoncer ces abus et la protection juridique des entités financières. (...)
Le PAH a poursuivi sa tâche jusqu’à recevoir ce printemps un renfort inattendu : l’appui des collectifs qui font partie du mouvement du 15M.
Il existe à présent des groupes analogues, parmi lesquels des assemblées de quartier, et des organismes sociaux et locaux de nombreuses villes d’Espagne qui se battent pour le droit à un logement décent. Le PAH assure avoir empêché au total 109 expulsions.
Un nombre important, mais néanmoins faible si l’on considère qu’entre 2007 et 2011, près d’un demi-million d’expulsions ont été décidées en Espagne
(...)
La mobilisation s’appuie sur une solide composante en ligne, à partir de laquelle elle organise et met en relation les personnes affectées avec les activistes et le reste de la société.
La page web Stop aux expulsions a été créée en juin avec pour but de générer un réseau d’alertes et une carte nationale du drame. Quiconque devient victime d’une expulsion hypothécaire peut y ajouter son cas et déclencher un mécanisme de coordination pour obtenir de l’aide.
Les alertes sont aussi diffusées par les comptes Twitter de la campagne, @LA_PAH et @stopdesahucios, et les mots-clics #stopdesahucios (#stopauxexpulsions) et #stopdesnonaments (« stop aux expulsions » en catalan).
Et ça marche (...)
Avec le temps, le PAH et 15M ont ouvert un autre front. Il ne s’agit plus seulement d’arrêter les expulsions, mais aussi de reloger des familles dans des immeubles vacants suite à la spéculation immobilière : « Famille expulsée, maison récupérée ! »
Les premiers cas ont eu lieu à Barcelone et Madrid le 15 octobre, après les manifestations de masse dans ces deux villes. (...)
Les actions contre les expulsions ont capté l’attention médiatique et certaines propositions défendues font leur chemin dans l’agenda politique. C’est le cas de « dación en pago », une loi qui éteindrait la dette avec la remise du logement, comme dans d’autres pays d’Europe.
Il en est aussi résulté le relogement d’un certain nombre de familles dans des appartements subventionnnés, et la demande de municipalités que la législation sur le crédit hypothécaire soit modifiée.(...)